C’est drôle cette impression.. de sortir d’un cauchemars, le coeur rempli d’amour.
C’est possible, parce que la vie est ainsi faite : surprenante, épatante, contraditoire aussi.
Capable de la plus grande violence et ‘un déférlement d’amour en simultané.
Dans quel endroit du monde, une femme peut-elle se faire agresser, devant les passants indifférents, trop lâche pour lever le petit doigt ?
Pas à Bienne, en tout cas.
Et cet après-midi, le seul lâche, était l’agresseur.
J’ai envie de pleurer.. d’ailleurs je pleure, quand j’y repense.
Des larmes d’émotion, de bonheur, quand ce genre humain qu’on critique si souvent, se montre dans ce qu’il a de beau.
En quelques secondes , la haine qui s’exprimait dans toute sa laideur, fut balayée par la compassion , la bonté, le courage.
La gentillesse aussi.
Des petits actes et des grandes actions, qui me laissent, presque le souffle coupé, quand je revis le film dans ma tête.
Là, il est temps de raconter ce qui c’est passé.
Je veux le faire, parce qu’au final, ce qui aurait pu être salement, seulement moche est devenu beau, très beau.
Alors je veux le partager. pour en témoigner.
Je n’en parlerai qu’une fois, je ne répondrai pas aux questions , sur « qui » et « pourquoi », parce que ce n’est pas le sujet.
Le sujet, c’est les habitants de ma ville , que j’aime tant.
Et mes précieux amis du marché.
Cette après-midi, j’étais au marché.
Pas en grande forme.
Fatiguée du jour d’avant, malade un peu.
Mais peu à peu, le soleil est revenu, l’intérêt pour mes photos, mes bijoux, me réchauffait.
L’après-midi était presque terminée.
Je finissais un bracelet.
J’étais contente.
… et soudain, la nuit.
Comme si un ballon de foot sorti de nul part , m’avais frappé , de toutes ses forces, sur mon oreille.
Sauf que ce n’était pas un ballon de foot.
C’était un coup de poing.
De quelqu’un, que je n’ai pas vu arriver par derrière.
sous la violence du choc, je vacille,
tout devient flou, je perds l’équilibre.
En même temps, j’entends ce cri de haine, et je vois mon agresseur s’en prendre à présent à mon stand.
Mes affaires giclent sur le sol.
Et là, ça deviens fou.
Tellement fou.
Il y a du monde de tout les côtés.
Derrière moi je vois des gens révoltés qui attrapent mon agresseur, qui tombe à terre .
Devant moi, je vois Roland, du stand d’en face,
Roland qui veille toujours sur moi.
Et moi j’essaie d’aller vers lui.
Parce que je sais qu’il va protéger.
Je vois son expression, ses yeux qui enregistrent la situation.
Moi je suis dans le flou.
Mon agresseur a réussi à s’enfuir.
Aussitôt, Roland et Alexandre se lancent à sa poursuite.
Moi je ne vois plus rien.
Le sang dans mon oreille.
Le copain de Céline qui vient me réconforter.
Et plein de gens devant mon stand qui me regardent avec tellement de compréhension.
Je vois deux jeunes hommes, que je ne connais pas, qui me demandent si ils peuvent ramasser mes affaires.
Je veux le faire aussi.
Mas quelqu’un , je ne sais plus qui, me fait m’asseoir.
Je suis entourée, protégée, aimée.
Serrée dans les bras.
La dame africaine du stand d’en face, fait rempart de son corps comme pour que je sois sure qu’il ne m’arrive plus rien.
Je lis la révolte sur ces visages qui m’entourent.
Le choc aussi.
Et le s gestes de bonté .
Une dame, je ne sais même pas qui, m’a apporté un thé.
La jeune fille du stand d’en face viens ramasser les dernières perles.
Voilà Roland qui revient, l’air très sérieux.
Alexandre aussi.
Ils m’expliquent qu’ils l’ont arrêté.
Et remis à la police qui va venir.
Et là ,je dois faire une parenthèse.
Un miracle, quelque chose qui son importance.
Quelqu’un qui a tellement de peine à communiquer avec moi d’habitude.
Que je croyais méprisant, parce qu’il venait tout les samedis sur le stand d’à côté, en m’ignorant, comme si je n’étais pas là.
Ce quelqu’un se met en face de moi et m’explique ce qu’il à fait, sans vantardise.
Simplement, parce qu’il a fait, ce qu’un homme doit faire, quand une femme
est attaquée aussi lâchement : traquer son agresseur et s’assurer qu’il ne pourra plus nuire.
Mon cher Pierre, quand à lui est complêtement médusé.
D’où il était, avec toutes les personnes présentes dans l’instant, c’est une des rares personnes qui n’a pas vu ce qui c’est passé.
Je dois me reprendre.
Comme une automate, je pars pour les toilettes.
Je me souviens à peine de ce moment.
Ce que je sais, et c’est possible que je me mélange dans la chronologie, c’est que je vois Thierry, qui vient d’arriver.
C’est drôle parce qu’il n’était pas sensé passer.
Mais pendant l’agression, j’ai eu une pensée sur lui.
Parce que l’être humain a un réflexe qui prime sur tout les autres : le réflexe de survie.
Réflexe, c’est-à-dire rapidement j’ai cherché de la protection.
De la sécurité.
Dans mes amis, ans mes visiteurs potentiels, je sais sur qui je peux compter pour me défendre.
Thierry n’était pas là, mais maintenant, il l’est, et il fait , lui aussi, ce qu’un homme doit faire dans ces circonstances.
Il m’offre son réconfort et sa protection.
J »entends la voix de Tatiana, comme dans un rêve.
Ma Tatiana chérie, qui est la compagne de Thierry et mon amie très chère.
Je tremble encore, mon oreille est rouge, mais je ne suis pas blessée.
La police arrive.
Ce n’est pas le moment le plus agréable.
Donc, je ne m’attarderai pas là-dessus.
Je retourne vite vers Tatiana, qui m’explique pourquoi je dois absolument porter plainte.
Je n’ai pas décidé encore, ce n’est pas le moment de prendre des décisions.
Je veux constater les dégâts.
Et la liste des miracles s’allonge :
non seulement il ne manque rien, pas une perle, pas un bijou.
Mais rien n’est cassé.
Par contre, mon stand est sens dessus dessous.
Je sens la colère qui monte.
Le sang qui tape
dans mon oreille.
La force qui revient, avec Tatiana à mes côtés.
Je sais qu’elle n’est pas très en forme non plus,
pourtant elle me donne toutes ses forces.
Alors, je les prends.
Je termine ce bracelet que j’avais commencé.
Et je vais le donner à Roland.
Parce que, il n’est pas question
que mon travail souffre davantage.
Je remets mes affaires en place.
J’essaie d’assurer le temps qu’il me reste,
mais quand viens Ursula, .. je l’appelle Tatiana.
Dans ma tête,
ces mots :
« malheur est bon ».
Je suis rentrée, escortée par mes amis.
et j’ai cherché l’expression exacte qui est :
« A quelque chose, malheur est bon. »
Et c’est vrai.
Ma journée n’est pas finie, je dois retraverser la ville deux fois,
pour ramener ma petite fille.
Malgré la fatigue, je le fais à pieds.
Avec Prisca.
Je croise un jeune homme que je connais depuis peu,
qui m’offre sa protection, sa sensibilité , sa gentillesse.
Comme un rappel de ce que j’ai vécu de plus important aujourd’hui.
Aujourd’hui,
j’ai vu toute une rue se mobiliser pour m’aider.
Des gens d’âge, de condition , d’horizon différents.
Quelques uns connus, mais la plupart inconnu,
montrant ensemble,
ce que nous ,
les êtres humains,
avons de plus beau :
notre humanité.
J’ai les frissons quand j’y repense.