Au début, nous étions une vingtaine,
un peu disséminés sur la plage des pauvres.
Et puis 50.
Et 100.
Au final nous étions 200,
peut-être plus,
réunis là. dans une émotion difficilement descriptible.
Daniel a dit : « on se croirait dans un festival « ,
et c’était vrai.
Assis par terre, ou debout,
avec les bières et d’autres choses qui tournent,
avec les rires, oui les rires, les pleurs aussi,
et l’ambiance,
la musique…
Qu’est-ce que c’était la musique ?
Black Sabbath ? Led Zepplin ?
Je ne sais pas.
Mais elle allait bien, cette musique.
Elle allait bien, et on était bien.
On se trouvait, on se retrouvait, et on était content d’être là.
Il faisait bon, on était ensemble,
liés par nos amitiés et celle que l’on portait tous à Pierrot.
Un Pierrot qui ne voulais pas partir.
Le vent ?
Le courant dans la mauvaise direction ?
Le magnifique petit Drakkar confectionné pour lui restait obstinément vers nous.
Moi, j’aime penser que c’était Pierrot, qui nous jouait une dernière farce,
histoire d’embêter une dernière fois son grand ami Jacques.
Et Hélène ma fille chérie, qui n’aime pas que je parle d’elle, alors je n’en dirai pas plus.
Mis à part qu’un Zippo aurait peut-être aidé à allumer le feux qui, lui aussi ne voulait pas prendre.
Sacré Pierrot!
Notre ami Pierrot qui aurait voulu qu’on fasse la fête et qu’on soit heureux,
comme à dit Clémentine ,
dressée sur le mur de pierre,
devant la foule, telle une prêtresse Vicking version 2022,
le poing levé,
faisant jaillir des cris de toutes les poitrines en même temps.
Sacré Pierrot !
Tu nous voyais, tu étais avec nous, c’est sûr !
Ce que nous avons vécu, là, restera dans tout les coeurs, comme un moment d’exception.
J’ai 55 ans.
J’en ai vu des cérémonies d’adieu.
Mais pas comme celle-là.
C’était un des plus beaux moments de toute ma vie.
Retrouver mes amis,
être unis dans la même bonne intention,
c’était d’une force,
une force partagée,
que je n’ai jamais connu avant.
Pour moi, d’avoir mes deux enfants réunis là,
mon fils, qui d’habitude déteste tant la foule en général et les gens en particuliers,
mon fils, à l’aise.
Mon fils qui est rentré après moi .
Il n’y a que pour Pierrot que c’était possible.
Un Pierrot dans nos vies depuis si longtemps
que son absence semble inconcevable.
Je veux croire qu’il y a un sens à tout ça :
qui signifie que Pierrot ne nous quittera jamais.
Qu’il sera là, chaque fois qu’on pensera à lui.
Qu ‘il nous aidera depuis là-haut.
Qui nous accueillera quand ce sera notre tour de partir.
Le lendemain, aujourd’hui, je me suis réveillée, un peu sonnée.
J’ai tendance à vivre les émotions à retardement.
Mes larmes coulaient toutes seules avec les souvenirs de la veille.
Et puis, il y avait un message de Patricia,
qui a partagé le vie de Pierrot pendant un an.
Je lui ai dit : viens ,si tu veux.
Elle m’a répondu, viens toi.
Alors, je suis sortie.
Elle était, sur le petit banc de bois, avec les dernières bougies pour Pierrot.
Discutant avec un jeune homme qui le connaissait aussi
Machinalement, elle a remis tout les capuchons déplacés par le vent.
Pour tout les autres, je suppose qu’il était encore trop tôt.
Qu’il faut digérer les émotions de la veille.
Mais qu’ils reviendront, encore, certains, dans la journée.
Nous sommes rentré,
nous avons regardé les photos.
Au début, je me gênais de les faire.
Et puis, j’en ai pris quelques une des amis autour de moi.
Michel et Daniel, Céline que j’étais heureuse de retrouver là-
Massaï avec mon voisin,
Babita ma grande amie retrouvée après tant d’années.
Je n’osais pas encore trop me lâcher.
Jusqu’à ce que je rencontre Christophe et Marilyn, qui m’ont dit :
« Vas-y ! tu dois faire des photos ».
J’ai regardé autour de moi, et j’ai vu que c’était ce que tout le monde faisait déjà.
Avant de venir, je m’étais posé la question, et la réponse était vite faite : Pierrot, il adorait les photos.
Je sais qu’il aurait voulu que j’en fasse.
Et Jacques, Jacques est mon ami aussi, si je me suis permis d’aller aussi près, c’est pour cette raison.
Je n’ai pas vu d’autre photographe professionnel dans les environ non plus.
Et comme pour me motiver encore plus d’autres personnes sont venu me dire, vas-y, tu dois le faire.
Alors je l’ai fait.
J’ai pris cette place, qui doit être la mienne,
qui est déjà la mienne de témoigner de la vie des gens autour de moi.
De ceux que j’aime et qui me sont proche.
Ces photos sont précieuses, comme toutes celles qui ont été prise par les autres personnes présentes avec leurs téléphones.
Je ne vais pas les balancer n’importe comment sur les réseaux sociaux.
Je vais les travailler d’abord, je dois réfléchir aussi.
Pour toutes celles qui sont prises de près, je demanderai les autorisations de les faire figurer dans un album.
Ceux qui connaissaient Pierrot et qui ont envie de les voirs y auront accès sur messenger.
Il faut laisser retomber un peu la pression.
Je comprends que certains seront pressés, mais pour d’autres, c’est encore trop frais.
Je veux me donner de la peine
pour qu’elles soient aussi belles que le moment que nous avons vécu.
Ceux qui ont organisé cette cérémonie méritent tout notre respect,
notre gratitude aussi.
Je sais qu’ils sont épuisés.
Emotionellement, physiquement.
Mais grâce à eux , nous avons vécu tous ensemble un moment hors du commun.
Un moment qui aura des conséquences.
Qui en a déjà.