Syndactylie et culture zoulou

J’ignore pourquoi j’ai attendu si longtemps pour faire des recherches sur ma particularité.
La syndactylie touche un enfant sur 2000-2500.

C’est une affection congénitale, c’est-à.dire qu’on naît avec certains doigts ou orteils reliés ensembles par de la peau, voir des os.
Dans ma vie j’ai rencontré d’autres personnes atteinte aux pieds, mais jamais aux trois doigts du milieu, comme moi.
On peut arranger ça.
Plus ou moins bien.
L’opération consiste à séparer les tissus et les os, si nécessaire , avec ou sans greffe de la peau.
Prélevée à l’aine dans mon cas.
Quand il y a des complications, comme chez moi, la mauvaise vascularisation , ça entraîne une modification assez importante de l’anatomie de ma main droite.
La mienne est petite, un peu repliée, comme une patte.
On opère rarement les pieds, par contre, pour la main, il est important de le faire tôt, j’avais 4 ans.
Par contre les gros bourrins qui m’ont opéré ont eu la mauvaise idée de me plâtrer d’une curieuse façon.
Mes petits doigts en pleine croissance étant pris dans le plâtre.
C’est probablement l’origine d’une mauvaise irrigation sanguine et de l’ischémie, la complication dont je parle plus haut.
On ne peut pas dire non plus que j’ai été vraiment suivie, suite à ce carnage.

Mes pauvres parents ont fait ce qu’ils ont pu, j’imagine qu’ils avaient confiance , comme c’était le cas à l’époque.
Le médecin était quasiment l’équivalent d’un Dieu tout-puissant, qui savait tout et n’expliquait pas grand chose.
Principalement quand il se loupait à ce point.
Les médecins qui m’ont vu par la suite… je me souviens de leurs regards choqués devant ce ratage évident, ces cicatrices grossières.
Je n’en rajouterai pas.
C’était déjà trop tard, on ne pouvait plus rien faire.
Ou alors je risquais de perdre l’usage de ma main,
Donc j’avais le choix entre un truc moche qui fonctionne, ou .. je vous jure que c’est vrai, d’atroces souffrances avec l’implantation d’un système de roue dentée pour étirer graduellement les doigts, au risque qu’ils ne servent plus à rien.

Ca m’a complexé plus ou moins fort , surtout à l’adolescence.
Je dis ça, mais en réalité, j’en ai parfois beaucoup souffert.
Au point de vouloir que cette main ne soie plus la mienne.
Et de vivre dans la hantise qu’on la remarque.
Surtout quand il faut la donner.
Donner la main .. quelle curieuse expression.
Qui voudrait recevoir ça ?

Maintenant c’est supportable, plus ou moins,
En règle générale, je n’y pense pas et la plupart des gens, même ceux qui me connaissent depuis longtemps, ne remarquent rien.

J’ai appris à la cacher.
en ne la cachant pas justement.
Du coup, on fait beaucoup moins attention si mes gestes sont naturels que si je continuais de la cacher sous la table!

Je l’ai fait longtemps.
Jusqu’à ce que quelqu’un m’en fasse la judicieuse remarque.

Je lui mets rarement du vernis.
Du coup à l’autre main non plus.
Ca aurait l’air de quoi ?

Parfois je me dit que j’aimerais bien me faire une jolie manucure quand même.
J’ai assez d’amies dont c’est la profession qui me ferait ça avec délicatesse.
Mais ça me gênerait quand même.
Heureusement, il me reste des pieds assez petits et réguliers.
La nature est bien faite.

Je lui donne un nom.
C’est ma petite main.
Parce qu’elle est vraiment plus petite que l’autre de 2 cm, et parce que c’est la mienne.
Pourquoi j’en parle ?
A cause d’une série…
Pas n’importe quelle : Reyka.
Série sud-africaine qui à remporté de nombreux prix.
Avec Ian Glen, entre autres, le Sir Jorah Mormont de G-O-T-.
Ca commence comme ça
dans un hôpital est né un enfant avec les doigts collés.
J’entends ce mot que je connais.
Syndactylie.
Il faut savoir que ça touche plus fréquemment les caucasiens.. les blancs quoi.
Donc c’est plus rare et c’est pour ça qu’il y a un reportage sur cet enfant.
Et voilà ce que j’ai entendu .
En Afrique du Sud, dans la culture Zoulou cette particularité est considérée comme une chance,
voir comme une bénédiction.
CHANCE ?
BENEDICTION ????
En 57 ans , jamais je n’ai entendu ça.
En plus je pensais, principalement à cause de la marginalisation des enfants albinos .
Voir pire.
Au Sénégal, je revois l’air dégoûté et méprisant d’une femme qui m’a serré la main,
et ses mot : tu es une handicapée, qui sonnait comme une insulte.

Mais là, on est en Afrique du Sud et on parle de syndactylie..
Alors quoi ?
Est-ce que je porterais bonheur ?
Serais-je bénie ?
J’aimerais le savoir.
Donc je vais m’intéresser à la culture zoulou.
Olala, mais ils sont passionnant ces gens là !!!
Leur Histoire, leur culture est fascinante de richesse.
Voyons si je trouve quelque chose qui me concerne.
Difficile.
Je crois qu’un sujet aussi énorme que la culture Zoulou mérite, demande de plus grande recherche.
Je ne trouve rien, mais je vais chercher.
Je vais demander à ma fille de m’aider aussi si elle le veut
Rechercher des documents.
Des témoignages, des livres mêmes.
Me voilà soudain entraînée.
Attirée !
Le peu que j’apprends déjà sur ce peuple est fascinant.
Alors, si en plus, ils me considèrent comme une bénédiction ambulante, je les adore déjà.
Forcément.
Vous vous rendez compte de ce que ça signifierais pour moi ?
Pour mon identité, pour mon regard sur moi.même ?
Et tant pis si je ne suis ni Zoulou, ni même un peu noire…
Je repense à toutes ces femmes âgées que j’ai croisé dans mes voyages Africains et qui m’appelaient *ma fille*, en me serrant les main
et me regardant avec la chaleur d’une mère.
Dans les villages, je suis sure que le concept d’appropriation culturelle leur passe au-dessus.
Il y a une terre, et il y a des êtres humains,
Forcément, d0une manière éloignée, nous sommes tous de la même famille.

Le fait que l’information provienne d’une série ne m’inquiète pas trop.
C’est une série haut de gamme et très respectueuse de ce peuple et de l’endroit oû l’histoire est tournée.
Donc, forcément, il y a un fond de vérité. Et une raison à tout.
En Afrique on m’a dit que le hasard n’existe pas.
Là on me dira peut-être que ce n’est pas si grave.. et patati et patata.
Non, ce n’est pas grave, mais ça à influencé toute ma vie.
Mon identité, ma façon de me voir.
Je crois qu’il est important pour chacun d’avoir une vision éclairée de sa propre personne.
A ce que je sache, je suis la seule de ma famille à être comme ça.
J’ai eu droit à un surnom horrible en 4ième qui m’a terriblement blessée.
Je ne lui en veut plus, à cette fille qui est devenu une amie que j’aime et que je respecte.
On est parfois très con, quand on est enfant…
Mais aujourd’hui, je porte bonheur.
Je suis une bénédiction.
Ca fait plaisir quand même 🙂

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