Lettre à Nathalie

Ma chère Nathalie,

On ne se connait pas beaucoup.

Quelques heures passées ensemble.

Avec ta maman et ton futur enfant, bien au chaud dans ton ventre.

J’ai ressenti tout de suite de la tendresse pour vous.

Que tu me lises, me touche, et que tu t’y retrouves  me trouble.

J’aurais préféré que tu ne connaisses pas le pays dont je parle…

un pays nommé Souffrance.

Mais voilà, en y pensant plus loin, je me demande si tout le monde un jour va y arriver.

Ou si certains sont préservés ?

J’aimerais pour eux.

Plus jeune, je croyais ,que ce voyage n’était possible que pour les gens conscients.

Dotés d’assez de sensibilité et d’intelligence.

J’aurais aimé parfois, alors, être très bête et insensible.

La vie m’a appris que non, que ça atteint toutes sortes de personnes.

Quel que soit leur niveau.

Je crois aussi que le chemin qui mène à ces contrées éloignées est forcément pavé d’embûches.

Les embûches, qui sont, comme les panneaux jaunes, dans nos forêts , qui nous indiquent la route à suivre-

Une fois qu’on arrive à destination.

On est marqué à jamais.

On rentre chez soi, mais en emportant cet endroit avec nous.

Parfois, il nous sert de repère.

On aimerait sans débarrasser, mais dans le fonds.. on aimerait peut-être pas vraiment le perdre.

Parce que c’est devenu une partie de nous.

Naturalisé à vie.

Et si c’était une chance ?

-Hein ? Mais de quoi tu parles ? une chance de souffrir au point d’avoir envie d’en finir ‘

Non, une chance de connaitre ça assez tôt pour apprendre à vivre avec.

Par rapport à ceux qui sont préservés ?

Ceux qui vivent longtemps sans que rien de grave ne leur arrive à eux.

Sans que rien ne les ébranlent assez pour plier .

Voilà ce que je crois :

L’être humain, pour différentes raisons :

-un manque au niveau du métabolisme

-une question génétique

-une accumulation d’épreuves graves

-une seule mais très profonde épreuve

Ou tout ça en même temps…

arrive fatalement à franchir un cap.

Ca arrive à n’importe quel âge.

Parmi nous, il y a ceux qui croient savoir ce qu’est la souffrance.

Mais en fait, à eux, il n’est pas arrivé grand chose.

Ou alors, ils sont plus résistants, et se croient à l’abri.

Ils pensent que les autres sont faibles, qu’ils manquent de courage, de volonté.

Mais la vie ne s’est tout simplement pas encore assez acharné sur eux, pour briser ce plafond de verre.

Ils ne sont pas encore tombé.

Leur tête est bien fixées su leurs épaules solides, et parce qu’ils croient eux aussi avoir traversés suffisamment d’épreuves pour comprendre, alors, ils jugent les autres durement.

Mais qu’ils se détrompent.. ils ont eu de la chance… et personne n’est à l’abri.

On a tous un point faible,

On peut se protéger tant qu’on veut.. mais un jour ou l’autre l’existence qui a beaucoup d’imagination trouvera le moyen de faire chuter ce corps si résistant.

De trancher cette tête si bien accrochée.. et là.. c’est le drame.

C’est le ciel qui dégringole sur leur  crâne.

C’est le sol qui se dérobe sous leurs pieds.

L’incompréhension est d’autant plus grande, que leur conviction d’être différent était forte.

Différent, dans le sens « normal », de ceux  qui , quoi qu’il se passe, vont travailler.

De ceux qui même malade, assurent tout ce qu’ils ont à faire.

Faisant se sentir encore plus petits ceux qui déjà ont de la peine…

Le faisant avec dureté, cruauté, ou même avec une sorte de compréhension vexante :

-Oui je comprends que toi, tu ne puisses pas, mais à moi.. ça ne peut pas arriver.

La vie m’a montré que rien n’est impossible à la souffrance.

Que le beau garçon si sur de lui peut se retrouver tétraplégique du jour au lendemain et perdre tout ce qui aurait du faire sa vie.

Que les familles les plus heureuses peuvent se disloquer comme un pantin dont on arrache les membres.

Qu’un grain de sel se transforme en montagne engloutissante.

Que la plage se change en sables mouvants.

Que la fortune  durement amassée, se dilapide en un rien de temps.

Que les fausses accusations, que les apparences peuvent détruire les vies  les plus solides.

Plaint les plutôt ces gens, inconscients-

Ils sont ignorants.

Ils ne savent pas de quoi ils parlent.

Ils ont de la chance.. enfin, ils ont l’air d’en avoir.

Parce que le jour ou ça viendra… la pilule sera très dure à avaler.

Tandis que toi, être sensible, et si souvent plongé dans la douleur :

TU SAIS NAGER !

D’ailleurs.. c’est toi qui plongera sans aucune peur dans leur océan d’angoisse.

C’est toi qui d’une main ferme les sortira hors des flots.

C’est encore toi qui les prendra  dans tes  bras pour sécher leurs larmes.

Parce que tu ne connais pas la vengeance.

Tu le fera sans hésiter.

Ca ne peut être que toi, et pas un de leur ex-semblables, qui seraient bien démunis.

..toi seule sait  comment faire.

Tu connais si  bien l’endroit,

Tu es  une alpiniste des précipices.

Et lorsque ce nouveau venu aura la force de lever les yeux sur toi, il ne te verra plus comme avant.

Mais tu n’aura pas changé pourtant.

Dans ce moment là. n’est-ce pas toi qui a la force ?

Mais en fait, tu  l’avais déjà avant, c’est l’autre qui refusait de la voir.

Oh, ça sera dur pour lui, surement même qu’il t’en  voudra d’avoir vu sa faille…

Peut-être même que tu sera rejetée.

Mais qu’importe.

Tu pourra te reposer.

Avancer, rebondir…

Tu sais ce qu’il y a à faire.

 

 

 

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2 réponses sur “Lettre à Nathalie”

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