Chroniques biennoises : Anna-Lucia

Ce n’est pas son vrai nom , mais peut-être que vous la reconnaîtrez , si vous êtes de Bienne, je ne la connais pas vraiment non plus, mais j’aimerais raconter un peu de son histoire. Parce que c’est une biennoise et qu’elle a de l’importance.

Elle était belle Anna-Lucia.

Je la voyais, adolescente, avec un brin de jalousie ;ses longs cheveux noirs , bouclés.

Toujours en mouvement, toujours révoltée,

Plus que ça, elle avait l’air en colère, et on l’entendait.

Avec sa voix forte, et le côté plus sauvage que ça peut donner quand on crie en suisse.allemand.

En vérité, elle me faisait peur.

Le genre de fille qu’on affronte pas, parce que c’est perdu d’avance.

Un beau corps long et souple, Des yeux aussi noirs que ces cheveux.

Une beauté naturelle, sans artifice,

Avec juste un jeans et un t-shirt  à la gloire d’AC-DC, elle était juste superbe.

Elle avait des airs de chef de meute, de chienne enragée.

Même quand elle s’apaisait, le mot semble encore trop fort, on sentait qu’il suffisait d’une petite étincelle, un mot, un regard de travers, pour que la bête se déchaîne,

Alors, qu’est-ce qui a bien pu se passer ?

Quelles sombres tragédies pour laminer cet être si fier?

Pour changer la louve en serpillère ?

Dans ses yeux, la révolte s’est éteinte.

Remplacée par  quelque chose qui ressemble à un appel au.secours.

Sa voix s’est tue,

Elle murmure ,

Mais elle ne demande rien.

Elle est là, fixe,

On peut passer devant sans la voir, elle ne vous dérangera pas non plus.

Pas son genre de quémander.

Par un de ces hasards dont j’ai l’habitude, j’ai assisté a deux scènes, qui la concerne.

Rien d’extraordinaire, mais l’histoire est belle ,alors je vais la raconter.

Elle est propre, mais ces pauvres vêtements trahissent son dénuement extrême, pour quelqu’un qui vit en Suisse.

Son beau corps sportif, n’est plus qu’une ruine.

Je reconnais ce regard, quand je la croise, de celle qui a faim, mais qui préfère

subir plutôt que demander.

Ou attendre un miracle.

Et voilà qu’il arrive.

Un type de son âge, avec une petite fille au bout de son bras, qui s’accroche joyeusement.

Il va faire ses commissions et sort de sa poche une petite liasse de billet froissés.

Il le fait en marchant,  distrait par le babillage de l’enfant.

Le billet rose tombe sans qu’il s’en aperçoive, juste devant les pieds d’Anna-Lucia.

C’est le miracle, l’argent qui tombe du ciel, pas beaucoup, juste 20 francs.

Mais 20 francs, quand on a rien, c’est énorme.

Elle se baisse rapidement  et empoche  l’argent.

Elle va partir, mais je l’ai vu.

Elle me voit aussi, un regard tellement triste.

Je ne dis rien, mais je pense suffisamment fort.

L’homme qui a perdu son billet s’en est rendu compte.

Il retourne sur ses pas et cherche de tout côtés.

La petite fille ne comprends pas, elle essaie de le tirer vers le magasin.

Mais lui,  sans ses 20 francs, ça va être difficile, il cherche.. en vain.

Il ne voit même pas Anna-Lucia… elle est comme invisible.

Mais voilà que le miracle arrive à nouveau, sous une autre forme.

Je la voit qui ressort le billet de sa poche.

Elle le tient, bien serré, comme pour sentir qu’il existe vraiment.

Elle tends le bras, en direction de l’homme, avec le billet au bout.

Lui ne la vois toujours pas.

C’est la petite fille qui attire son attention sur cette femme au regard étrange qui à l’air de vouloir lui donner quelque chose.

Il comprends enfin.

Il récupère son billet avec l’air visiblement soulagé.

Remercie Anna-Lucia.

Je la regarde toujours, je vois comme ce geste lui coute, bien plus que la petite somme en jeux.

C’est comme une sorte de mini-tragédie, de fatalité, qu’elle accepte, à force.. par habitude d’être perdante.

L’histoire pourrait finir là.

Mais on est à Bienne et rien ne s’y passe comme ailleurs.

Le lendemain, même heure, même endroit, même hasard, tout les protagonistes de l’histoire sont là  à nouveau.

Anna-Lucia, avec ses yeux tristes, l’homme et sa petite-fille joyeuse et moi qui passe et observe..

Le type et l’enfant se dirigent droit sur elle.

Anna-Lucia recule d’un pas, elle ne comprends pas ce qu’on lui veut visiblement.

Là, je vois qu’il sort de sa poche, un nouveau billet rose, la même somme qu’il a faillit perdre le jour d’avant.

Et il le donne à Anna-Lucia.

Je n’entends pas ce qu’il lui dit, mais je vois que son regard à elle est en train de changer.

Comme une petite étincelle, qui n’aurait pas pu s’éteindre, l’éclaire un peu.

Elle s’anime, se redresse un peu et part de son côté.

Ca me fait chaud au coeur.

La vérité est que je le connais ce papa, je sais que pour lui aussi c’est dur.

Que même 20 francs, c’est beaucoup.

Et comme je suis curieuse, je vais lui demander quelques explications.

La il me dit que hier, lui aussi à été touché.

Qu’il a compris qu’elle aurait pu le garder pour elle ce petit billet.

Mais sur le moment, il n’avait pas beaucoup plus sur lui et pas de possibilité de faire ses commissions sans ça.

Par contre le soir, il a reçu sa paye, et il s’était promis de retrouver la fille et de la récompenser pour son geste.

Chose faite.

La petite fille regardait son papa, avec amour, mais plus, une sorte d’admiration, de fierté.

Elle me dit :

-Cette dame, elle à été gentille avec nous. Maintenant c’est notre tour.

 

 

 

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