Catherine va chez le dentiste et prie… Ste-Apoline

Martine a grandi.
La Martine de mon enfance, qui faisait du cheval ,allait à la patinoire,
toujours si gentille, sage, et bien coiffée.
Je ne pouvais pas être Martine, mais j’aimais ces beaux dessins, surtout quand elle était dans la campagne avec des animaux.
Martine, elle, a sûrement bien pris soin de ses dents.

C’était mon cas aussi.
J’ai une Oral-B, avec même le petit jet d’eau super-pratique et efficace.
Mais voilà.
Il a suffi d’une personne et d’un an pour détruire des années de soins.
Voilà pourquoi j’en parle.
Ca peut arriver.
Quelqu’un se donne tellement de peine pour vous détruire que vous lui donnez un coup de main …
Je ne m’en rendais même pas compte.
Comme si j’étais plongée dans un rêve qui peu à peu virait au cauchemars.
Dans cet état, je ne pensais plus à me regarder, vraiment, dans le miroir.
J’étais si épuisée, moralement, physiquement, que je n’ai pas vu ses taches qui s’installaient, les caries qui grandissaient.
Bon, tout n’est pas de ma faute.
3 plombages qui dataient de la Clinique dentaire ont sautés , quasi en même temps.
Comme si ils avaient une date de péremption.
Ensuite, je me suis cassé une dent .. avec un de ces bâtonnets à nettoyer..
Il était coincé, j’ai tiré, et hôp, une moitié de dent a sauté.
Et toujours ces horribles taches , 3 pour être précises, qui m’empêchent de sourire.
A part ça.. ça va.
Avant tout ça, j’allais chez le Dr.Januth.
Excellent dentiste certes.
Le seul dont je ne redoute pas les piqûres, tellement il les fait vite et bien.
Par contre, dans mon souvenir, il était plutôt sec et intransigeant.
Ce qui ne me donnait pas trop envie d’y retourner.
Surtout, que je me sent en quelque sorte coupable d’avoir bousillé son travail.
Mais bon.
Aujourd’hui, la vie voulait que je le rencontre à nouveau.

C’est aussi le dentiste de ma petite fille.
Je l’ai accompagnée à son contrôle.

J’ai vu ça comme un signe, un encouragement du destin et je me suis lancée.

Et c’est demain, mon rendez-vous.
Pendant le contrôle de ma petite fille, il a été très doux et patient.
Très concerné et pro.
Il lui a fait répéter les consignes : bien laver les dents du fonds,
éviter les boissons sucrées, ne plus sucer son pouce sous peine de ressembler à un lapin.
Il lui a offert un petit sablier pour qu’elle sache gérer son temps de brossage.

Il m’a épatée.
Parce que, il ne faut pas croire, mais parler à un enfant, ce n’est pas si facile.
Se faire écouter ,encore moins.
Et bien, le Dr.Januth, ça, il sait faire.
Très bien.
En prime, son assistante allume une télé au plafond, avec des dessins animés.
Pour les adultes aussi.
Regarder Wallace et Gromit
ça aide bien.
Mieux que la grosse lampe hyper-puissante qui fait pleurer.
Moi, quand je vais chez le dentiste, j’ai des crises de foi.
Pas de foie,
de foi.
Mon côté chrétien, habituellement bien planqué, ressurgit comme boosté par la fameuse lampe.
Et je prie,
de tout mon coeur,
de toute mon âme,
je supplie Dieu.
Toujours pareil.
La grosse lampe est allumée.
La fraiseuse en train de chauffer, et les outils de torture stérilisés bien alignés sur un plateau argenté.

Comme si ma dernière heure était venue.
Celle du Jugement dernier , et
qu’il fallait confesser mes fautes .
Avec le dentiste dans le rôle du bras vengeur de Dieu
Et son assistante, qui serait en réalité l’ange chargé de prendre ma déposition.

J’ai tellement peur de souffrir!
Histoire que ça aille vite, j’avoue tout ce qu’on veut.
Mentalement bien sûr.
Avec trois cotons , genre tampons hygiénique dans la bouche,
j’aurais de la peine à faire autrement.
Reprenons.
Dès que la fraise se mets en marche ,
je commence à prier :

« Ò Seigneur, dans ta bonté illimitée,
écoute ta brebis égarée
je suis une abominable pécheresse dépravée.
Qui ne s’est pas confessée depuis une éternité.
Une très mauvaise catholique même pas pratiquante.
Je mérite d’être là.
Je ne vais jamais à l’église, j’oublie systématiquement ma prière du soir.
Pire, j’ai renié les enseignements du catéchisme.
Critiqué ma propre religion.
Remis en doute la validité de ses principes.
Que sais-je.
Pire encore !
Je n’ai pas pris soin de ce corps magnifique, cette merveille de technologie célèste…
Quel que soit les crimes commis pour me retrouver sur cette chaise,
je mérite votre châtiment divin.
Dites au Pape François de m’excommunier,
de me bannir de l’Eglise à jamais
comme la saleté païenne dégénérée que je suis… sûrement.

Mais pitié!
Seigneur!
Faites que ça s’arrête.
Que ça s’arrête vite.
Que le bruit de la fraise qui me vrille les tympans et annonce la fin prochaine d’une partie de ma dentition ,
ne dure pas.
Je vous en prie :
Qu’il choisisse , pour fixer au bout de sa machine infernale, une tête moins grosse.
Et surtout, encore, que ce bruit horrible s’arrête vite.
Je vous jure que désormais je serai une chrétienne modèle.

Le bruit , pire encore que la douleur.
En fait, il n’y a pas vraiment de douleur, sauf quand il va m’examiner demain et pointer de son crochet, tel le capitaine du même nom dans Peter Pan, mes caries et autres manquements graves à l’éthique dentaire.
Mis sinon je serai correctement anesthésiée et je ne suis pas sensée souffrir.
Mais j’ai peur quand même.

Oui, je suis coupable.
Je me suis négligée pendant presque un an et je vais le payer cher.
Très cher.
Mais, il parait que c’est possible en plusieurs fois.
Ca m’arrange.

Parfois, Dieu, dans son infinie miséricorde, décide d’être grand et de me laisser assez rapidement en paix, exauçant mes prières.

Mais pas toujours.
Parfois, il est occupé ailleurs, je ne sais pas…
La famine dans le monde ou autre chose de plus grave que mes petits soucis dentaires.
Mais là, j’ai un plan b.
C’est l’avantage d’être catholique.
Si Dieu n’est pas dispo, reste la garde rapprochée.
Le ptit Jésus, ou le même, version star du rock mort à 33 ans.
(entre parenthèse, voilà une particularité chrétienne intéressante : les prières s’adressant à la même personne à différents moments de sa vie).
Et les Saints !!! qu’est-ce qu’on a comme saints!
Tout une flopée.
Tellement que je ne le connais pas tous.
Normalement, déjà, il y en a un par personne : celui de son prénom.
Donc, je peux déjà implorer Ste-Catherine.
Sauf que d’après me recherche elle n’a jamais vraiment existé.
Mais nous, les catholiques, sommes réputés pour garder espoir en toutes situation.
Dans toute l’armada de saints à disposition pour le chrétien basique, il doit bien en avoir un qui s’occupe des dents ?
Coincé entre St-Antoine des objets trouvés et Ste-Véronique patronne des photographes… (j’y penserai d’ailleurs).
Voyons ce que dit google.
Chez le dentiste, les secondes passent comme des heures.
Autant être bien préparée.
J’essaie avec « Saint à implorer ».
Incroyable.
Intéressant.
Il y en a pour toutes les situations.
Contre les infections.
Pour trouver un mari…
Maigrir avec St.Benoît…(?!)
Chaque situation a son saint.
Je le savais, mais j’avais oublié.
et du coup, pour les dents,
il y a Ste-Apoline !
Qu’on arrête de rire tout de suite.
Ste-Apoline, son histoire a de quoi faire frémir.

On l’a torturé tellement , pour tenter de lui faire renier sa foi,
en lui arrachant la mâchoire, quelle s’est jetée toute seule dans le bûcher pour abréger ses souffrances.
Pauvres chrétiens, on en a subit des horreurs, quand même.
Ca fait partie intégrante de notre histoire, la souffrance et la douleur.
Du coup, obligatoirement, il y a des Saints pour toutes les situations.
Même dans les cas désespérés,
telles de Zorros mystiques
saint Jude, sainte Rita, sont là!
Avec Saint Jude, je fais double effet, vu qu’il s’occupe aussi des soucis financiers : je souffre moins et je paie mon dentiste!
Par contre, il doit y avoir une sacré liste d’attente….
Bien sûr, il y a Marie.
Le must.
The Sainte suprême.
Mais j’hésite à la déranger pour si peu.
Il faut vraiment que la douleur soit insoutenable pour que je le fasse.
Souhaitons que je n’en arrive pas là.

Alors j’ai peur, certes, mais il y a un moment que j’adore.
Un peu comme le fou qui se sent si bien quand il arrête de se taper la tête contre les murs ;
c’est quand j’entends ces mots merveilleux :

« Vous pouvez vous rincer la bouche. »
En même temps, le dentiste presse sur le bouton qui actionne le redressement de la chaise de torture.
A travers mes larmes, je vois le joli gobelet blanc.
Je rince et je crache.
Ma langue essaie de s’habituer à son nouvel intérieur.
Je peux à peine parler parce que ma bouche est encore endormie,
et j’ai le droit de m’en aller.
Dieu merci.
Ensuite, le bonheur, l’hygiéniste dentaire canadienne, qui va finir le boulot.
La, plus besoin de prier.
Dans ce cabinet, on a tout compris, on vous fait des bonnes et belles dents.
Avec un peu de chance,
et l’aide du Ciel,
je l’espère, ça ira vite.

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