Bonjour Maman

Il y a quelques mois tu es partie pour ton dernier voyage.
Le plus mystérieux des voyages.
Le plus merveilleux aussi.
Dans mon esprit, au fil des années, la conviction que la mort ne fait disparaître que notre corps
n’a fait que se renforcer.
Ton âme n’a jamais disparu.
Bien sûr, je ne peux qu’imaginer ce qui lui est arrivé, mais voilà ce que je crois.
Tu es parti en souffrant beaucoup.
Tellement que je n’ai pas pu le supporter.
Je m’en suis voulu, je m’en veux encore, mais j’ai compris quelque chose, maintenant.
Ce n’est pas ce que tu veux.

Toi, tu est arrivée dans cet autre monde, oû toute souffrance physique disparaît.
Comme tu as du te sentir bien!
Je veux croire aussi que tu as retrouvé tes parents, ton frère ; celui qu’on appelait le petit Tonton,
qu’on allait voir au cimetière, et qui avait l’air d’un ange, sur la photo incrusté dans la pierre.
Et même ton chat dont la disparition t’avait rendu si triste que tu n’a plus jamais voulu en avoir.
Ta grande amie Madeleine aussi, que j’aimais beaucoup.
Et tant d’autres de ces amies parties avant toi.
Ca me rends heureuse pour toi.
J’imagine les grandes conversations que vous avez, comme quand j’étais petite et que tu passais avec elles des heures au téléphone.
Dans ce monde là, il n’y a que de l’amour.
Tu as retrouvé mon papa aussi.
Tout ce qu’il y avait de beau dans votre histoire.
Évaporé les soucis de la vie!
J’ai une photo de vacances ou vous êtes tout les deux, dans une caravane.
Pas la notre, nous on était sous tente.
Avec d’improbables matelas pneumatiques rafistolés à coups de rustines à vélo, qui sentait bon le caoutchouc.
Le matin, on se retrouvait à plat sur le sol… mais c’était pas grave.
Toute la famille, on partait chaque été pour la France.
On s’installait dans un immense camping, et on était heureux.
Libre de faire ce que l’on aimait, chacun de notre côté, tout en se retrouvant pour le dîner.
Tu m’envoyais chercher des frites au restaurant, avec ce tupperware jaune qui se fermait en pressant très fort au milieu du couvercle.
Papa jouait à la pétanque, on allait à la mer avec ma soeur et toi…
Tu nous enduisais de protection solaire.. j’adorais son odeur sur ta peau.
C’était l’odeur de bonheur.

J’ai tellement de bons souvenirs de mon enfance.
Dans ton village aussi.
Le Prévoux.
Tes parents, ton frère, ta belle soeur et mes cousins.
J’étais une petite fille hyper-sensible, mais là-haut, j’ai trouvé ma place.
On se moquait gentiment de moi, parfois, mais on faisait attention à moi, et surtout, je me sentais aimée.

Ma petite Manman. J’ai longtemps cru que ça s’écrivait comme je le prononçais ; Manman.
Pareil pour ma Grandmanman…
Quand je le dis à voix haute, l’émotion qui me vient s’en va si je mets les a .
Quand je prononce ton nom, celui que je t’ai donné si longtemps, Manman, ça me serre le coeur, et ça le rempli ensuite de tout l’amour que tu y mettais.
Comment quelque chose d’aussi fort pourrais disparaître, comme si ça n’avait jamais existé ?
Si je le sens à nouveau, mon coeur qui chauffe, c’est parce que tu continue de le remplir.
D’ou tu es.
Tu veilles sur moi.
Comme tu l’as toujours fait, même quand c’était difficile, même quand on ne se comprenait plus.
Tu es la première personne que j’ai aimé.
Celle qui m’a montré ce que c’était une mère. Une maman. Ma Manman.
Quand tu étais jeune, tu ressemblais à Fanny Ardant, grande avec des cheveux qui ressortent en noir sur les photos en noir et blanc de l’époque.
Tu ne te maquillais presque pas.
Un peu d’huile d’amande douce te servait de soin.
Ton odeur encore.
Ton amour pur.
Aujourd’hui, j’ai compris que ce que je dis toujours aux autres quand ils perdent un être cher, je pouvais aussi me l’appliquer.
Quel que soit ce que nous avons vécu, après le mort, les ressentiment, la rancune et les regrets n’ont plus lieu d’être.
Seulement l’amour.
Rien d’autre qui le parasiterait.
Aujourd’hui je sais.
Je le sens et ça fait du bien.
J’avais aussi besoin que quelqu’un me dise tout ça.
Dans un moment ou j’étais capable de l’entendre.
Je suis reconnaissante d’avoir une amie comme celle qui m’a aidé à comprendre.
Je suis reconnaissante pour toutes mes amies , leur attention, leur pensées positives qui me soutiennent.

C’est ce qui est magique avec l’amour : il n’a pas besoin de présence, il file dans l’air en se moquant des distances et du temps pour faire son oeuvre.
Il est plus fort que la mort.
Il est plus fort que tout.

On me demande parfois d’où je tiens ma force, celle qui me permets de traverser les épreuves et de me relever encore et encore.
Je le sais maintenant, elle me vient de toi, ma petite Manman, celle que j’appelais aussi « la meilleure maman du monde ».

Et pour tout ça, je veux te dire que je t’aime aussi et comme je te suis reconnaissante

Je suis libérée de ce poids que je mettais dans mon coeur, je pourrais presque voler !

Aujourd’hui, si j’écris tout ça, ce qui semble si personnel, si je le partage, c’est dans l’espoir que ça aidera peut-être quelqu’un.
Même juste une seule personne que je la connaisse ou pas.
Aider à mettre des mots sur les sentiments.
Parce que je sais le faire.

L’amour grandit quand on le partage.

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2 réponses sur “Bonjour Maman”

  1. Quel bel hommage à ta gentille Maman et tant de sentiments que je comprends et partage. Je dis toujours, suite à la perte de ma propre Maman, heureusement qu’il nous reste tant d’amour et de beaux souvenirs pour apaiser la douleur et ce grand vide dans notre cœur. Je pense à toi et me souvient de ta Maman avec affection.

    1. Merci ma chère Nathalie pour ton beau commentaire. Tu sais comme j’aimais ta maman avec sa lumineuse et bienveillante présence.Lumière que j’ai toujours vu chez toi aussi. Je t’embrasse bien fort. Tes mots me font beaucoup de bien.

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