Yaël 2 Suite

Je reste choquée.

ca ne passe pas.

J’ai peur de comprendre ce qui c’est passé.

La goutte d’eau qui  fait déborder le vase.

L’épreuve de trop.

Et moi, qui connais si bien ce système.. comment ça se fait que je sois toujours là ?

Est-ce qu’à la prochaine, je ne vais pas faire pareil ?

J’avoue que j’y pense souvent. et que lorsque ça va jusque là, seule la peur de me louper et de souffrir m’arrête..

Si il existait le bouton pour tout stopper ?

mais c’est clair que je me serais déjà buzzeé !

Bien sûr que je la croyais plus forte.

Mais dans le fonds, ne faut-il pas justement être très forte pour avoir ce courage ?

D’autres diront que c’est de la faiblesse.

Qu’il faut tenir, pour sa famille.. ses amis.

Mais pourquoi pour qui vit-on ?

Pour soi d’abord.

Et quand la machine ne veut, ne peut plus fonctionner normalement, parce que la souffrance est trop intense, alors…

J’ai vécu ce truc, cette épreuve ou  vous espérez, ou vous rêvez déjà, de ce que vous allez faire avec votre salaire… Ou vous vous donnez à fonds.

Et que tout s’arrête  méchaient.

C’est dur, très dur, c’est comme la négation de tout, la négation de vous.

Une sorte de destruction commune, entre celui qui vous a fait rêver à un monde meilleurs et vous-même qui vous l’imaginez.

Reste rien, le néant, une sorte de trou dans le coeur qui ne se remplace que par la rancune, la haine, l’incapacité de trouver des raisons valables pour expliquer ce qui c’est produit.

Pourquoi  une déception aussi intense ?

Comme si on ne savait pas ce que c’est, la déception.

Faut-il vraiment qu’elle se rappelle à nous de cette façon ?

Est-ce qu’on le mérite ?

Est-ce qu’on a fait faux ?

Est-ce que soi-même on ne serait pas une erreur.

Est-ce que le monde ne serait pas mieux débarrassé de notre encombrante présence?

Nos enfants ?

Mais regardez quel mauvais exemple on donne !

Mieux vaut pour eux qu’ils ne voient pas ça !

Les amis ?

Mais les amis ont autre chose à faire que de nous ramasser à la petite cuillère.

surtout si ils l’ont déjà fait..

Non décidément, on gêne, on est inadapté. ce monde n’est pas fait pour nous, et nous, en en souffre trop.

Ca tourne et retourne dans nos cerveaux.

Même si on arrive temporairement à faire taire ces voix infernales  qui nous tourmentent, elles reprennent de plus belle à la première occasion.

On hurle au secours !

Mais personne ne l’entends.

On regarde le monde, les guerre, les attentats, les maladies…

et soi-même, avec nos petits problèmes qui nous semblent gigantesques.

Et personne pour comprendre vraiment.

On relativise…

C’est pas si grave, tu va trouver autre chose…

Mais non, justement, c’est terriblement grave,

ça nous atteint comme une balle en plein coeur.

On saigne, mais personne ne s’en rends compte.

Et si on se mettait à hurler ?

Mais rien ne sort.

C’est trop profond.

Il faut que ça s’arrête.

Yaël

Oh Yaël, mais c’est pas vrai ?

Tu faisais partie de ces gens avec qui ça colle, tout de suite.

De ceux qui n’ont pas peur de te prendre dans les bras et de serrer fort.

De ceux qui se comprennent sans parler.

On ne s’est pas vue souvent, mais chaque fois, on était en connexion instantanée.

On avait des projets.

Je voulais te mettre , les pieds dans l’eau des grandes écluses et tu aurais craché du feu.

Mais on était fauchée…

Alors on a remis…

Tu voulais prendre un de mes petits chatons…

On discutait  par écran interposé.

Et là, je ne sais pas pourquoi,

toi qui était la vie même,

tu as décidé de t’en aller.

Oh ,comme je m’en fiche des photos, dans cet instant…

on se disait qu’on avait le temps…

mais je reste

plongée dans un abîme d’incompréhension.

Je n’ai pas la prétention de savoir qui tu étais ..

j’aurais aimé, mais ce n’est pas le cas.

Je sais seulement ce que je ressentais quand je te voyais : le plaisir de retrouver une vieille copine, alors qu’on venait de se rencontrer.

Mais toi, tu faisais attention aux autres,

Tout ces autres…

Je ne comprends pas.

Je ne t’imagine pas , seule et ruminant d’aussi sombres pensées.

Avec tes yeux si particuliers,

plein de petites lumières,

pourquoi tu a préféré l’obscurité ?

Je ne comprends pas.

Je peux imaginer, par contre, sans peine,

que peut-être, tu cachais quelque chose, sous ce manteau de gaité.

Un désespoir

qui a force d’être contenu, a explosé ?

Je ne sais pas.

Je vais en parler, avec celle qui te connaissais mieux.

Parce que je veux savoir.

Parce que le monde n’aurait pas du  être privé de toi.

Alors, ça j’en suis sure, beaucoup doivent se dire :

je n’ai pas été assez présente.

Si j’avais su que tu allais aussi mal…

Mais ce n’est peut-être pas ça .

La mort peut sembler douce, quand la vie n’a plus bon gout.

Comme deux ailes qui vous prennent et vous emportent loin du chaos,

lorsque, épuisée d’avoir tant lutté,

on ne rêve que de s’endormir.

Loin du tumulte.

Loin du tapage.

Dans une profondeur parfaite.

Retrouver celui qu’elle avait tant aimé.

Si c’est son choix, je le respecte.

qui suis-je pour l’obliger à vivre, moi qui ai parfois tant de peine ?

Si ç’est ça.

Alors je comprends mieux.

Celles qui sont si généreuses se fatiguent plus vite que les autres.

Même si on les croit fortes.

Je veux penser à toi avec joie.

Parce que ton esprit est toujours là.

Quand tu aimais, c’était vraiment, de toutes tes forces, et ça

reste.

C’est indestructible.

Mais comment voulais tu recevoir autant que tu donnais ?

Est-ce que c’est ce que tu voulais, d’ailleurs?

je n’en sais rien.

Je nous revois, la dernière fois que l’on c’est rencontré.

Chez Clém, pour un souper.

On avait changé de place pour être l’une à côté de l’autre.

Je pensais qu’on allait se revoir…

Je me demande… si tu avais su, comme les gens t’aimais.

comme tu étais importante.

Comme tu avais ta place dans ce monde

et que tu aurais pu accomplir de grandes choses encore…

Je me demande

Si cela aurait changé quelque chose.

Yaël…