Une journée au marché

Cette journée, quand j’y repense, je pourrais en faire un film.
Un beau film sur la résilience.
Sur les rencontres improbables.
Sur la multiculturalité qui se vit d’une manière si particulière chez nous à Bienne.
En vérité, quelque part, elle s’efface.
A Bienne, nous sommes biennois.
Au marché, nous sommes des marchands.
Ce jour là, nous sommes seulement des êtres humains.
Seulement ? Simplement ?
Ca peut être extraordinaire .
Hier, ça l’était, clairement.
Je vous raconte.
en résumé cette journée qui a commencé de manière si pénible et au final s’est révélée si riche.
Ca me prendra du temps pour le faire justement.
Alors je vais le faire, comme un aide-mémoire pendant que ma mémoire est fraiche.
Pour le garder comme un trésor que je vais exploiter, une mine plutôt.
Tant c’est inspirant.

Vous allez comprendre.

D’abord, le contexte.
Bienne 7h15 du matin.
Avec ma poussette ancienne bien chargée, je roule le long de la rue de la gare en direction de la place Centrale.
Je me félicite de n’avoir rien oublié,
Je fais la liste encore une fois dans ma tête quand surviens l’évidence …
Ma chaise !
J’ai oublié ma chaise!déboulant d’une rue adjacente, arrive Maryline et son chien.
Maryline qui habite tout près.
Maryline qui comprends tout de suite le problème.
Maryline, comme un signe que je devais être là, que la journée se passerait bien,, puisque , 5 minutes plus tard, j’ai une belle chaise mauve chargée sur ma poussette.

7h30 j’arrive sur la place Centrale,’
La grande majorité des artisans ont répondu présent, pour le marché de la place centrale, à Bienne.
Celui qui a lieu une fois par année.
L’ambiance n’est pas trop joyeuse, vu le temps.
On le sait.
Nous avons tous consulté nos applications météo qui disaient toutes pareilles.
Pluie et nuageux, dans le meilleur des cas.
Nous sommes venus quand même, remplis d’espoir.
Certains ont travaillé pendant des mois pour ce jour là.
Produit, créé.
Ceux qui ont de la chance sont soutenu.
Par le papa qui amène sa fille, qui fait de la pyrogravure, et l’aide à tenir son stand.
Par le copain, qui supporte sans rien dire, celle qu’il aime.
L’amie, la soeur, la mère.
Il y a beaucoup de femmes parmi les marchands.
La seule avec qui je ferais le marché n’était pas disponible cette année.
Mais ça ne me faisait rien.
Ce qui est appréciable entre autre, sur les marchés que j’ai fait à Bienne, c’est la solidarité.
Il n’est pas rare de se retrouver à tenir deux stands en même temps pendant que l’autre va au toilette ou se chercher à manger.
Bref.
Nous sommes tous là ou presque , à installer nos affaires, prêt à affronter cette journée pluvieuse.
Sachant aussi ce que ça signifie.
Pas de soleil , pas de client.
On garde espoir quand même.
On installe des bâches préventives.
Comme on peux.
A ce propos , j’ai appris quelque chose ; la bâche se fixe sur la barre du côté intérieur.
C’est ce que j’aurais du faire.
En même temps c’est la première fois que j’affrontais un orage pareil.
Celui qui s’est déversé sur nous alors que la plupart n’avait pas fini de s’installer.
Pendant 1 bonne heure on ne pouvait rien faire d’autre que protéger du mieux possible nos affaires,
et nous même.
Bilan, j’étais trempée.
Des pieds à la tête.
Heureusement, j’avais prévu le coup pour mes affaires.
Tout ce qui était fragile , je l0avais protégé préventivement par du plastique.
Alors, que faire d0autre que rester là, et espérer ?
Mettre à profit ce temps pour faire connaissance avec les autres marchands .
C’est ainsi que j0ai découvert deux femmes géniales.
Véronique de Bienne , qui vendait des bougies parfumées en face de moi sur la droite.
Et Hectorine de Madagascar qui proposait des épices de son pays en face de moi sur la droite .
Le stand d’à coté ?
Plus personne au bout de 30 minutes de pluie.
Madame n’a pas supporté, et monsieur a du tout replier.
Pourtant, elle aussi faisait des bougies qui ne risquait pas grand chose.
Par contre, sa jolie déco a ramassé.
Ses cornets en papiers aussi.
De très mauvaises humeur, Madame à donc ordonné à Monsieur de ranger, et rapidement,
J’ai essayé de les prévenir que le règlement du marché ne permettait pas de partir avant la fin.
Principalement parce que ça dérange les autres marchands, .
C’est aussi une question de respect.
Le nombre de place est limité.
Ceux-ci sont parti donc, sans avertir le policier de service qui veille au bon déroulement du marché.
Une petite parenthèse pour présenter Monsieur Günziger.
Sous ses dehors de policier sérieux, suisse-allemand, se cache une personne bienveillante .
Toujours respectueux et juste, Monsieur Günziger est apprécié par tout les marchands qui le connaissent.
Il n’y a pas beaucoup de règles à respecter, sur le marché.
Elles sont toutes justes et adaptées.
Le reste est une question de respect.
Sauf pour Monsieur et Madame qui se sont enfuis, comme des voleurs, sans dire au revoir à personne et surtout sans prévenir
Monsieur Günziger.
Grave erreur.
C’était leur premier et dernier marché des artisans biennois.
C’est ainsi.
Les places sont attribuées par décision.
On est accepté si on corresponds aux critères.
Elles ne coûtent que 50 francs et pour ce prix là, la ville fourni un beau stand couvert large de plus de deux mètres.
Pour 5 francs de plus on à même l’éléctricité.
Refermons la parenthèse avec Madame qui se ramasse deux litres d’un coup en décrochant la bâche,
Le Karma.

En même temps, devant leur stand, une flaque d’eau de 4 cm dissuade les rares clients de passer par là.
Ceux qui la voient font le tour.
Malgré tout ça, entre nos trois stands, la bonne humeur règne.
Spontanément, on se regroupe pour discuter un peu.
Véronique m’apprends que c’est son premier marché.
Tandis qu’Hectorine avec son compagnon son des habitués.
Les bougies de Véronique sont dans de ravissantes boites en métal colorées.
Les épices d’Héctorine dans des éprouvettes transparentes.
Pour quelques francs.

Les heures passent.
L’orage aussi.
Le soleil revient sous forme humaine.
c’est ma Véronique.
Avec sa soeur Pascale.
Je suis tellement heureuse de les voir, je plonge dans es bras comme un naufragé sur une île déserte qui voit arriver un bateau.
Sa voix, sa douceur, ses vibrations d0amie chère aimante et aimée me font un bien.
Je suis requinquée pour affronter la suite de la journée.
Après, c’est drôle, ce phénomène qui arrive souvent quand je fais le marché.
Les visites se succèdent, les unes après les autres.
Je suis fatiguée, j’ai peur d’en oublier.
Je vais garder ça pour quand je réécrirai cette histoire avec tout les détails.
Chacun à contribué à la rendre belle
J’ai pris des photos avec Doris, parce qu’elle m’a fait rire, ma Doris, qui est arrivé au ralenti avec le sourire, malgré la pluie, malgré ses circonstances particulières.
Elle est sorti et venue exprès pour moi.
Comme Véronique, comme Eliane qui est passé juste après faire une provision de cartes.
Des femmes qui sont capables de résilience et d’apporter du sourire aux autres tout en vivant des choses extrêmement difficiles.
Je constate que c0est le cas de toutes mes grandes amies.
Autant j’apprécie de les voir, autant je ne pourrais jamais leur en vouloir de ne pas venir, quel que soit la raison.
Etre avec moi, juste un moment par la pensée, c’est déjà beaucoup.
Dans ce monde ou nous sommes tellement sollicités, et qui peut être si superficiel, entretenir l’amitié lui donner sa juste valeur
s’explique avant tout par la pensée. Par les sentiments.
Le lien qui nous uni est dans notre coeur, invisible, mais tellement juste et vrai qu’il fait du bien , même à distance.

Je suis absolument convaincue que ces pensées m’ont portées ce jour là.
Sinon je ne sais pas comment j’aurais supporté ces dix heures à voir tout mon travail ruiné par le temps et tenir le coup
Sur le marché, j’ai aussi discuté avec un jeune homme qui fait commerce des pierres depuis plusieurs années.
J’ai vu son enthousiasme quand je lui ai parlé de mon projet.
Comme il m’a prise au sérieux et son envie de partager ses connaissances.
Signe que je suis sur le bon chemin.
J’ai parlé avec Pierre aussi.. un nom prédestiné 🙂 .
Lui, il a des connaissances dans énormément de domaines.
Et c’est pareil , je sais que je peux compter sur lui.
J’ai vu Chouchou, aussi, Jacqueline, qui vient toujours me faire son petit coucou qui fait du bien.

Ensuite, il y a eu Monica,
Et Kimberley, sa fille de 8 ans.
Monica est une amie de plusieurs années que j’ai connu grâce aux shootings que j’organisais sur et dans l’ancienne Coupole.
a fille a 8 ans.
A ce moment là de la journée, j’étais particulièrement trempée, Monica qui habite tout près m’a gentiment proposé de m’apporter un pull.

C’était aussi l’heure de payer sa place.
Monsieur Günziger nous laisse toujours le temps de gagner un peu d’argent.
50 francs le prix de la place et exactement la somme que j9ai gagné jusque lé.
Comme un reset…
Une remise à zéro. pour attaquer le stade suivant.
Le niveau supérieur.
Je me remets en boule assise sur le stand vide.
Piquant du nez sur un bracelet de perle que j0essaie de faire,
Tant je suis épuisée, par les deux nuits précédentes de stress ou j’ai à peine dormi.
Et les heures supplémentaires à tenir le coup, dégoulinante et gelée.
Je précise que je ne me plaint pas, je raconte seulement.
Vous vous rappelez ?
Au final ce sera une super journée.

Donc j’attends ,,, une accalmie, un éventuel client et l’orage est de retour, redoublant de violence.
Des trombes d’eau se déverse sur nous et nos affaires.

J’ai si froid, mes souliers sont tellement trempés, mon dos aussi que j’ai passé le stade du grelottement.
Je suis presque en transe,

Quand soudain…. arrive cet ange,
cette bonne fée d’à peine 8 ans .
Une fée qui ne parle pas ou presque,
Elle m’apporte un pull.
Et je vois aussi qu’elle s’est amené une chaise.
Je suis si fatiguée que je passe par dessus l’étonnement et l’étrangeté de la situation.
Je demande :
-Tu viens me tenir compagnie ?
Elle réponds seulement : oui.
Je lui demande si elle veut apprendre à faire des bracelets ?
Et pareil, elle me dit oui.
Je lui montre, je prépare le fil, l’aiguille spéciale.
Elle est d’une attention rare.
Elle à 8 ans je vous rappelle.
Elle scanne chacun de mes gestes pour les reproduire à la perfection.
Sa compagnie est tellement réconfortante.
On ne parle presque pas.
Juste pour l’essentiel,
et tandis qu’il continue de pleuvoir autour de nous, je me réchauffe.
Je ne sens plus le froid.
Plus la fatigue.
Je suis simplement bien.

Et les clients commencent à arriver.
Pour moi, pas tellement,
On vends rarement des bijoux quand il pleut.
Par contre, j’ai pris , avec plaisir, en charge la surveillance du stand d0en face.
Je suis ravie de vendre quelques bougies pendant que Véronique discute avec ses amis, su restaurant de l0Arcade.
Je me réjouie à chaque vente de lui en faire la surprise.
Et voilé, enfin, la première et la seule cliente de la journée que je ne connais pas.
Une touriste allemande.
Elle à flashé sur une de mes créations spéciales.
Un collier conceptuel à plusieurs grandeurs.
Non seulement elle comprends le système mais en plus elle le veut vraiment.
Je baisse le prix pour ‘être sure qu’elle l’achète.
Et elle le prends.
50 euros, qui font tellement de bien,
Ensuite, c’est magique.
J’explique à Kimberley qui si je vends un bracelet qu’elle à fait je lui donne une commission.
Elle pose le bracelet dans le stand,
Retourne à sa place,
Chantal arrive.
Et vous devinez la suite.
Sans le savoir, parmi tout les bracelets, et il y en a, elle choisi celui de Kim.
Bon, il était rose.
Chantal et le rose c0est une histoire d’amour connue, célèbre même.
Mais pas pour Kimberley, qui ne pouvais pas savoir non plus que Chantal allait venir.
Je suis ravie.
C’est tellement gratifiant de vendre son travail.
Je vois Kimberly tellement contente aussi, et motivée.
Tout ça se passe sous la pluie, mais presque au ralenti, comme dans un rêve,
La journée se termine avec une Véronique reconnaissante qui m’offre une bougie et se paye une paire de boucles à pompons rouges.
Une femme chaleureuse cette Véronique, vous avez bien compris qu’il y a deux Véronique dans mon histoire, celle qui est mon amie depuis plus de 40 ans, et celle que je découvre sur le stand d’en face.
J’ai une espèce de mini coup de foudre amical.
Différent de celui que j’avais eu pour ma Véronique au pull vert ,,, encore toute une histoire, mais elle m’a plu tout de suite, cette femme positive et sympathique,
Franche aussi.
J’espère que la vie la remettra sur mon chemin.
Sa confiance m’a honorée.
La petite Kim m’aide encore de son mieux à ranger,
Je la raccompagne jusqu’à la route, en lui promettant de lui en apprendre davantage puisqu’elle le veut.
Cette petite fille, je vous dis, c’est une évidence absolue, sait ce qu’elle veut.
Elle a une volonté hors normes.
Une intelligence hors norme
et une force de caractère que je ne me souviens pas avoir vu avant elle,
Elle ira loin,
Très loin.
Elle fera ce qu’elle veut de sa vie, portée par l’Amour inconditionnel et la confiance de sa maman.

Et, quand elle sera fatiguée de sa carrière internationale, peut.être s’amusera t elle à faire des bracelets en perles avec ses enfants si elle en à.

L’histoire pourrait se terminer l’, mais non,
Sur le chemin, une guitare, une voix, le spectacle d0un groupe avec sa batteuse au grand sourire, qui s’éclate avec ses baguettes me stoppe sur la route.
Ce sont les Between Bars
Je capte juste les trois dernières minutes de leur show.
Et quand le guitariste remplace la dernière note du chanteur par un son…
je pleure,
Tout le monde est saisi par l’émotion de ce groupe si génial qui joue humblement dans un coin de rue.
La voix chaleureuse, un peu voilée du chanteur.
Le talent des guitares , de la basse, l’énergie de la batteuse.
J’en tremble d’émotion.
Ca me donne encore la force de rentrer chez moi,
Et là, je m’écroule,
les poches presque vides mais
le coeur et l’âme emplie de bonheur.

Plus motivée que jamais.

Je vous avais promis une belle histoire.
J’espère qu’elle vous a plu.

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