Elle ne le sait pas.
Ce qu’elle tient dans ses mains :
Mon coeur, mon âme, ma putain de sensibilité.
-Je croyais que tu l’aimais bien ,ta sensibilité?
Pas tout le temps.
Quand je présente ma première photo travaillée,
je la déteste,
ma sensibilité.
Ca va un peu mieux , à peine, mais
chaque fois, c’est la même histoire.
Comment pourrais-je être sûre de moi ?
Les goûts, c’est aléatoire.
Alors je pose ma photo dans la petite case du tchat Facebook.
Pas de point vert.
Je dois attendre la réponse.
J’aime beaucoup cette photo.
La famille est réunie, sur un rempart, avec le lac au fonds.
Leurs silhouettes se détachent sur le ciel.
Les parents, beaux et jeunes.
Leurs enfants,
une fille, un garçon.
adorables.
Ils sourient, heureux.
Je prends la photo depuis le bas.
Ca leur donne de la grandeur.
Ils sont magnifiques.
Le ciel aussi est splendide.
Traversé par un avion,
dégradés subtils de bleu,
nuages éclairés par le soleil .
Comme une allégorie.
Ils sont à contre-jour.
J’ai du les éclairer,
trouver les couleurs justes.
Sur ce rempart, les mouettes ont laissés de nombreux souvenirs.
Du coup, jai vignetté légèrement la photo, pour que ça ne se voie pas.
Ca donne un joli effet, en plus.
Le petit garçon s’avance, dans un mouvement naturel.
Les parents voulaient une belle photo,
qu’ils puissent transformer en tableau sur canevas.
Franchement, je ne sais pas si j’aurai le droit de vous le montrer, mais je la trouve top.
Parfaite pour ça.
Mais mon avis ne suffit pas.
Alors, je pose la photo dans la petite case,
et je fais autre chose pour tromper l’attente.
Quand les premiers mots sont arrivés,
la première phrase.
J’ai eu l’impression d’avoir la jeune mère devant moi.
Ces mots m’ont touchés, directement le coeur.
Par extension, mon âme, ma belle sensibilité d’artiste,
sont réchauffées.
Et mes yeux expulsent une larme,
si vite, que je ne l’ai pas senti monter.
Je relis ce qu’elle m’a écris, et c’est la même émotion.
Ca m’emplit d’un contentement infini.
Ca balaye d’un coup toute la mocheté qui encombre mes pensées.
J’adore mon travail.
Je vous suis reconnaissante.
Vous , les gens qui l’avez remarqué.
Sur les milliards de photos qui circulent , vous avez pris
sur votre précieux temps, pour les regarder.
En likant, en commentant,
je l’ai su.
Et vous m’avez rendu visible.
Vous m’avez donné du sens.
Je vous en remercie.
Ce que vous faites est important.
Ca s’accumule, et c’est bon.
Il faut le dire, aussi.
On parle beaucoup de ce qui est moche, ces derniers temps.
Parlons aussi de ce qui est beau.
Chaque fois que l’on encourage un artiste,,
que l’on complimente une amie,,
qu’on partage ses activités,
que l’on aide son entreprise à prospérer,
qu’on lui donne du travail.
Chaque fois que l’on est compréhensif,
qu’on arrive à pardonner, que l’on donne sa chance à quelqu’un.
On ne s’en rends pas toujours compte
, mais on a le pouvoir
de changer la vie des autres.