Paddle

6h du matin.

Sur le fleuve Amazone, une ombre se profile.

Elle est seule, bravant les dangers qui guettent de tout côtés.

Les crocodiles affamés et sournois.

Les esprits  mangeurs d’âmes qui peuplent cet endroit  ou l’homme ne vient jamais,

normalement.

Mais elle, sur son paddle , c’est une exploratrice.

Deux traits verts sur les joues, un bandana militaire autour du front,

les muscles saillants, tatoués d’emblèmes Maoris,

prête à affronter les pires épreuves.

D’ailleurs, elle n’ à rien pris à manger.

Professionnelle de la survie, elle sait se contenter des ressources de la nature.

Soudain une araignée géante tombe à ses pieds.

Elle reconnaît immédiatement cette espèce venimeuse spécialement mortelle.

Mais elle reste calme.

Elle sait que chaque geste qu’elle fera  décidera  de sa vie.. ou de sa mort.

C’est là qu’elle se réveille.

Allongée sur son paddle, dans cette après-midi biennoise,

elle descends mollement la Thièle.

Machinalement elle remets en place son maillot de bain qui lui rentre dans les fesses.

 

Au passage, elle admire encore son dernier tatouage qu’elle à fait chez Daniel cet hiver.

Une pure merveille, représentant son chat Caramel.

Ses séances d’U.V.  hivernale ont parfaitement préparé sa peau  au soleil de l’été.

Elle lance un regard de mépris au autres paddleuses qui la dépassent.

Un joyeux groupe de filles quis’amusent à se faire tomber dans l’eau claire de la rivière.

Zut, sa rame est tombé dans l’eau et elle n’avait pas pensé à l’attacher.

Il va falloir aller la chercher, et son maquillage n’est pas waterproof.

En plus il y a des cygnes… avec leurs petits.

D’ailleurs la mère la regarde de travers.

Elle soupire et  décide d’en profiter pour faire une pose,

et manger son sandwich  qu’elle à acheté à la Coop avant de venir.

Mais les cygnes aussi aiment les sandwich.

Ils s’approchent d’avantage,

son paddle tangue ,

Et là, c’est le drame :

une de ses tongs tombe à l’eau,

La maman cygne se rapproche dangereusement,

il y a de la buée sur ses lunettes de soleil,

et son i-phone sonne en même temps.

La totale.

Elle décide de répondre,

c’est son fils,  Jason, 12 ans.

-Jason, c’est pas le moment !

-Mais maman !

Avec la caméra, elle lui montre la situation .

Jason rigole.

-Je croyais que tu voulais faire Koh-lanta …

Énervée , elle coupe la conversation.

Une tong  de chez Manor, quand même !

Qu’elle à payé 39frs 95 !

Elle décide d’aller la chercher.

Elle trempe un orteil pour vérifier la température de l’eau.

Elle est froide,

trop.

Par chance un bois flottant passe juste à côté.

Elle prends bien soin de ne pas abîmer sa manucure,

et l’attrape de justesse.

Et enfin grâce à lui , elle récupère sa précieuse tong.

Elle est fière,

ça lui fera quelque chose à raconter à ses copines qui doivent l’attendre au Lago Lodge.

Elle se relève et s’apprête à affronter le prochain danger :

passer sous le pont du débarcadère,en évitant les gamins qui plongent .

Mais dans l’âme et dans ses rêves, c’est une aventurière.

Les cygnes se sont éloignés.

Elle pousse un soupir de soulagement.

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C’est dimanche,

de ma fenêtre , je les vois passer sur la  Thièle,

,les paddleurs..

Seul ou par groupe.

J’avoue  que ça fait envie.

Que moi aussi j’aimerais me la jouer, façon Koh-lanta.

Chaque année, je me dis que je vais le faire.

Pas Koh-Lanta,

mais la descente de la Thièle en paddle.

Et ça viendra.

En attendant, il y a toujours mon bateau pneumatique.

Un gros machin qui pèse une tonne.

Mais notre Thièle est magnifique.

Bordé de mûriers  et d’herbes sauvages,

qui font le délice des jeunes castors.

Mais quelle chance on a d’habiter là.

Pour rien au monde je ne voudrais être ailleurs.