Journal biennois d’une pandémie jour 7 : Opération Corona

La jeune vendeuse de la Coop se lâche.

Elle danse au milieu des caisses automatiques.

Au milieu de ce nouveau décor fantomatique,

le sourire et la décontraction des employés contraste.

Il se passe quelque chose de nouveau.

Une autre conséquence inattendue de la pandémie :

(comme si il pouvait y avoir des conséquences attendues à quelque chose de si nouveau et inédit dans l’histoire du Monde…)

les gens se lâchent.

Pas tous non, mais chez beaucoup, ce bouleversement si puissant de toutes les règles qui nous tenaient jusqu’ici, provoque une sorte de libération nouvelle.

On ose …

Peut-être, pour la première fois, d’ignorer ce dont demain sera fait, sauf peut-être l’avancée vers une catastrophe annoncée, nous permets d’être plus nous-même que d’habitude.

De toutes façons une chose est claire, rien ne sera plus jamais comme avant.

Ce matin j’avais rendez-vous en ville avec Eliane, pour lui livrer les cartes qu’elle m’a commandé.

La première chose qui me frappe, c’est la place Walser quasi déserte.

Avec juste une voiture de police dans le fonds.

Ca donne le ton…

Ensuite, l’autre côté de la gare.

La lignée de marginaux habituellement massée devant la statue des piétinés à disparu.

Reste une jeune femme qui regarde à droite à gauche, comme si elles se demandait où ils étaient tous passés.

Deuxième chose qui m’étonne, c’est le nombre de personnes âgées que je rencontre.

Ces personnes  qu’on est sensé protéger font leurs courses, ou se promenent, seule, déterminée.

Sans peur.

Je me dis qu’elles n’ont pas toutes la chance d’avoir une famille pour s’en occuper, et qu’il faut bien qu’elles se nourrissent…

Aujourd’hui, je n’étais pas au mieux de ma forme.

Peut-être parce que hier, j’ai abusé de ma terrasse, et que j’ai un peu pris froid.

Ca m’a inquiété, j’ai demandé à ma fille de rerécupérer la sienne.

S’occuper d’un enfant toute la journée, quand il n’a ni école ni cours d’aucune sorte, et qu’il ne peut quasi pas sortir.. c’est juste épuisant.

Les enfants ont de la peine à comprendre ce qui se passe.. pas étonnant, nous -mêmes.. est-ce qu’on le comprends vraiment ?

Je rencontre Guy, le tatoueur.

On discute deux mots, tout en gardant une très raisonnable distance entre nous.

Pour lui aussi, c’est une catastrophe au point de vue financier.

Un grand manque à gagner.

Toutes les conversations que j’ai ces derniers temps me semblent plus sincères qu’en temps normal..

Comme si, nous n’étions plus parasité.

Contradictoire, mais logique.

A la maison on redécouvre des plaisirs simples.

Lire, écrire, dessiner…

Je décide, pour la première fois, de faire une video en direct sur Facebook.

A mon grand étonnement, j’ai bien plus de personnes qui me regardent préparer ma croûte aux morilles que prévu.

C’est une expérience ^qui m’a fait beaucoup de bien.

Je sais que, l’espace d’une petite demi.heure, j’ai diverti mes ami,es et même quelques inconnus.

Tout le monde est gentil, bienveillant.

Il m’a fallu un certain courage,

vaincre mes complexes,

ma timidité.

Quand mes enfants allaient à l’école, j’ai remarqué une petite fille  qui sortait du lot.

Déjà, elle était spécialement belle, comme on imagine une princesse de conte de fée.

Avec des yeux spécialement intelligents.

Qui tranchait avec son jeune âge.

Elle avait peut-être 8 ans, mais elle donnait l’impression d’avoir compris le monde.

Et quand elle vous regardait, c’était comme un cadeau.

Cette petite fille, je l’ai revu tout au long de sa vie.

Nous sommes devenues amies, mais vu la différence d’âge,

même si elle à déjà une mère formidable, je la voyais comme une fille

que j’aurais été très fière d’avoir.

Elle à vécu des choses intenses qu’aucune personne ne devrait vivre.

Mais peut-être justement parce que les épreuves qui nous arrivent sont toujours celles que l’on peut supporter,

il en fallait qui soient à la hauteur de ses capacités.

Comme la vie n’est pas toujours moche, elle à refait la sienne.

Elle va très bien.

Finalement , la princesse de conte de fées à mérité son destin.

Trouvé son prince, son palais et eut encore un enfant.

Maintenant, et ça me bouleverse d’y penser, elle me dit qu’elle a la possibilité et l’envie  de me rendre ce que je ne pensais pas lui avoir donné.

En m’aidant un peu dans ces moments difficiles.

C’était naturel pour moi de m’y intéresser.

J’ai toujours eu l’impression  que j’avais de la chance de bénéficier de sa présence lumineuse.

De son  coeur  si vrai.

Il existe parmi nous des êtres qui embellissent nos vies .

Ma propre fille est de ceux-là.

Même si je la trouve plus dure, mais tout autant forte.

Mon fils aussi.

Les enfants sont notre présent, et leur future.

Maintenant je ne sais pas ce qui va se passer.

Mais j’ai la curieuse impression de m’y préparer depuis toujours.

Je déteste ce virus et le mal qu’il fait, directement et indirectement.

Mais j’aime le changement.

J’aime voir les gens se libérer de leur carcans.

J’aime voir la vendeuse de la Coop danser au milieu des machines.