Grosse frayeur

Comme chaque soir, je vais me promener au bord du lac avec ma Prisca d’amour.

Elle est vieille, grosse, noire, tout ça pour dire que ce n’est pas une petite chose fragile.

Et qu’on la voit de loin… normalement.

Je la libère, parce que j’ai confiance, pour qu’elle puisse se rouler dans l’herbe.

Vu qu’elle adore ça.

Et puis, c’est grand, le bord du lac.

Il y a des prés immenses, aussi grand que des terrains de foot.

Mais pas éclairés.

Du tout.

Nous arrivons vers la statue en mémoire de Nicolas Hayek.

Je pianote sur mon i-phone pour essayer de prendre des photos.

Et soudain,

je me rends compte que Prisca  n’est plus là.

Je l’appelle.

Bon, elle ne va pas répondre, mais d’habitude, elle se pointe.

Parfois, pas tout-de-suite.

Elle est peut-être en train de renifler un arbre,

de faire des trucs de chiens, quoi…

J’avance un peu, et mis à part quelques éclairages discrets à un mètre du sol, on ne voit rien.

Chien noir, dans la nuit…

C’est quasi la pleine lune, mais on ne voit rien

Normalement, je la repère à 100 mètres.. la journée.

Là, je l’ai perdue.

Plongée dans mes préoccupations, je ne sais absolument pas dans quelle direction elle se trouve.

Je commence à m’inquiéter.. un peu.

Même si je ne la trouve pas,

elle finira par me trouver,

elle.

Alors j’avance, tout le long du lac, là où, on se dirige d’habitude.

Il n’y a personne.

Pas un chat…

et pas un chien non plus.

Je l’appelle.

Prisca. Prisca. Priiiisca !

Rien.

J’essaie de ne pas flipper.

Prisac ! Prisca  ! Prisca !

Je crois qu’elle est un peu bouchée, elle doit bien avoir 14 ans , Prisca.

C’est beaucoup pour un aussi grand chien.

Même si elle n’a heureusement pas de problème grave.. c’est une personne âgée.

Elle voit encore relativement bien, mais niveau écoute, c’est plus trop ça.

Donc, je crie.

Toute les 3 secondes.

Bien clairement dans le soir.

Et dans le vide absolu.

Je vais jusqu’à la fin du Strandboden.

Jusqu’au pont.

Rien.

Alors je me dis qu’elle est peut-être allée encore plus loin.

Sur le ponton de bois, qui mène au restaurant et à la plage de galet.

Mais quand j’y arrive, je vois bien qu’elle n’est pas là.

J’en avais le pressentiment.

Je retourne en arrière.

Sur mon chemin je ne rencontre absolument personne.

Pendant un instant, je me demande ce qui se passerait si je me faisais agresser.

En même temps, je sens la laisse que j’ai passé autour de mon cou.

Elle est lourde, avec les fermetures en métal qui sont lourdes aussi.

L’arme parfaite.

Mais ce qui m’inquiête le plus, c’est l’absence de Prisca.

Je pense à appeler la police.

Est-ce qu’ils viendraient m’aider à chercher mon chien ?

Je pense à ma cousine quand on lui avait volé le sien.

La police l’avait retrouvé .

Mais je ne suis pas ma cousine…

Et personne ne m’a volé Prisca.

Je me reprends.

Je refais tout le tour, encore une fois.

Prisca ! Prisca !

Pris..ca.

Un quart de seconde, je désespère.

Je peste intérieurement.

Je dois me coucher tôt, j’ai le marché demain.

Mais tant pis, je tournerai tout la nuit si il le faut.

Mais je me reprends.

Vite.

J’élabore un plan.

Je sais qu’elle connaît le chemin pour rentrer,

donc je prévois de rentrer à la maison.

Et si elle n’y est pas, de laisser la porte d’entrée ouverte, de prendre ma trottinette et d’y retourner.

Ca me redonne des forces, d’avoir un plan.

Je traverse le dernier pont, juste avant le port.

Au loin je remarque une sorte d’attroupement.

Il me semble que… on me regarde arriver.

Et soudain…

je la vois.

Elle aussi, elle me vois.

Parce que là juste à côté du restaurant du port,

c’est très bien éclairé-

Ma Prisca, c’est un chien de berger, à moitié.

Allemand.

Et ce côté là de sa personnalité à besoin de surveiller son troupeau.

C’est-à-dire moi.

Je la vois , à 100mètres accourir, avec les oreilles au vent,

ses grands yeux brillants de joie.

Elle accours.

Je suis tellement heureuse.

Elle fonce droit sur moi.

Je ne peux pas la porter, elle est plus lourde que moi.

Alors je m’agenouille à ses côtés.

J’entoure son corps avec mes bras.

Et je la serre fort.

Je l’aime tellement.

Elle m’attendait.

Là ou elle pouvait me voir.

Là ou la lumière est assez forte pour ça.

Mais qu’elle est intelligente, ma Prisca.

Je l’attache… quand même.

Mais je laisse la laisse « lache ».

Elle connait le chemin pour rentrer.

Dans ma tête, je me promets, encore une fois :

le jour où je serai maire de Bienne, je ferai installer de la vraie lumière, au bord du lac.