Le jour d’après …. plus réflexions sur le racisme ordinaire

Le jour d’après, tout est fini.
La vie continue, quel que soit l’épreuve que vous avez passé.. le monde s’en fiche un peu.
Les amis, eux vous écoutent et vous soutiennent, et le temps passe.
Et puis un jour, cette épreuve si pénible , que vous avez raconté des dizaines de fois,
parce qu’elle fait désormais partie de votre histoire, perds de son intensité.
C’est devenu une expérience , parmi d’autres.
Des mots.. rien que des mots.
Et celui à qui vous en parlez regarde discrètement sa montre, sourit poliment et fini par s’en aller.
Mais vous, c’est votre vécu, vos émotions, même s’il n’en reste pour les autres, que des mots.
Des pauvres mots qui ne seront jamais à la hauteur de l’intensité du moment.
Sauf peut-être pour celui ou celle qui l’a vécu, et votre histoire fera écho à son expérience.
Et encore, celui ou celle qui aura l’empathie bien développée, et la sensibilité qui va avec.
Reprocher à quelqu’un d’en manquer, c’est comme lui reprocher d’être différent.
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J’en arrive maintenant à vous parler d’une petit mésaventure qui vient de m’arriver à la gare..
Je revenais des commissions.
Avec ma grosse Prisca qui tire pour surveiller Sidney qui court devant.
Ma trottinette chargée de mes courses pesantes. et mon énervement des heures précédentes accumulés.
Vous avez déjà fait les magasins avec une petite fille qui ne sait pas ce qu’elle veut ?
Oui ? Bon.. vous savez.
Sinon, imaginez, que vous lui demandez ce qu’elle aimerait manger pour le week-end et qu’elle vous dise qu’elle n’ a pas faim…
Vous lui demandez si elle à l’intention de manger quelque chose dans les trois prochains jours, et elle vous soutient, droit dans les yeux, que non non ça ira….
Vous avez bien envie de lui parlez des petits pauvres qui meurent de faim et seraient bien content d’avoir n’importe quoi à manger…
Mais vous savez bien que ce soir, elle aura faim et qu’il faudra la nourrir avec quelque chose qu’elle aime..encore…
Pare qu’on ne sait jamais…
Enfin bref, fini la torpeur médicamenteuse des jours précédents.
Mes nerfs se réveillent l’un après l’autre, et ils sont bien là, à vif.

Sur le chemin, je papote deux minutes avec mon ami Jules, qui est sénégalais, détail qui a son importance.
Mais à ce moment de l’histoire, je suis dans le sous-voie de la gare.
Chien, trottinette, petite fille et commissions, plus moi .. à bout.
En une seconde, tout dérape.
Je ne sais même pas comment.
Mais j’imagine. que le grand type qui s’occupe des poubelles à sauté un peu rapidement de son engin,
se plaçant devant Sidney qui zig-zag devant moi.
Prisca , juste derrière à du le prendre comme une menace.
Un grand type, balèze et africain.
Elle a bondi.
En un quart de seconde, elle s’est interposée, bondissant sur le type, qui a mis son bras en protection.
Et s’est ramassé… un peu de bave.
C’est tout.
Prisca n’a jamais mordu personne .
Je peux envisager l’éventualité qu’elle le fasse tout-de-même.
Mais là, ce n’était pas le cas.
Pourtant le type se met à geindre qu’il a été mordu.
il se tient le bras , avec une exxpression de douleur outrée
Alors je regarde son bras.
Mais il n a rien.
Absolument rien.
Je rassemble mes affaires, commissions, chien, petite fille et je dis :
-Vous avez été mordu ?
Et là, il me réponds avec la plus hardie des mauvaises foi :
-Un peu !
Il dit ça en examinant son bras, et en cherchant vainement la preuve qu’il a raison.
Il n’y a rien, que dalle, pas un milimètre de quoi que ce soit.
Je lui dit, :
-Vous cherchez quelque chose ?Vous voyez bien qu’i n’y a rien.
Et puis, je m’excuse, je lui dit que je suis désolée.
Que ma chienne a probablement eu peur pour la petite et qu’elle à voulu la protéger.
J’irai même jusqu’à dire qu’elle à bien fait. mais je m’abstiens.
Je m’excuse encore une fois.
Lui par contre, n’en a pas assez.
Il entreprends de me faire la morale.
Je précise,mon chien est attaché, à aucun moment je ne l’ai lâché.
C’est bien le type qui c’est mis brusquement entre nous, donc… ce n’est pas très malin.Mais moi, je n’en rajoute pas.
Je suis contente qu’il n’aie rien.
A ce moment là, il me regarde, et je vous assure, je lis dans son regard qu’il aimerait me faire payer.
Comme si, avec mon crâne rasé, je ne pouvais être qu’une infâme skinhead raciste.
Mais je me fiche de sa couleur, c’est son attitude qui me déplait.
Il insiste quand même, en disant que « ça ne va pas comme ça ».
Des mots simples, mais avec un regard furibond et toujours le bras en avant, comme si miraculeusement des traces allaient apparaître.
Alors, je lui dis tranquillement que la vie n’est pas parfaite.
Je le regarde bien dans les yeux.
Là, j’ai marqué un point.. il doit bien le savoir.
Je continue de penser qu’il n’aurait pas du surgir entre le chien et la petite, mais je ne le dis pas.
Je ne tomberai pas dans le piège…
Croyais-je….
Je fais trois mètre pour m’éloigner, et là…
je m’entends dire :
« Rentre chez toi ».
C’est sorti tout seul.
La honte me submerge un instant, et puis, je me reprends.
Ce type là, avec son accent à couper au couteau, est venu de chez lui pour trouver du travail , une vie meilleure ici.
Comme l’a fait mon père en son temps, en restant humble et reconnaissant.
Mais lui, là, ça ne lui suffit pas d’être en Suisse, je crois qu’il voudrait être aussi con qu’un suisse peut l’être, quand ça lui prends.
C’est un phénomène courant.
Voilà ce que je me dis.
Je me dis aussi que je connais l’Afrique,
J’y était, pour la même raison qu’il est venu chez nous.
J’y ai trouvé un racisme qui m’a interpelé.
Une vie dure, et le rêve de beaucoup de venir chez nous.
J’y ai trouvé de tout, des gens formidables et de pitoyables arnaqueurs, et au final, au-delà de la situation politique et géographique, j’ai trouvé que les gens là-bas étaient exactement les mêmes que chez nous.
Jamais, que j’aie tort ou raison, je ne pourrais inventer une blessure imaginaire qui pourrait causer des problèmes bien plus grave.
Ma brave Prisa qui défends une petite fille transformé en chien dangereux qu’il faut abattre et moi en propriétaire irresponsable …
Dans l’air flotte un mépris partagé.
Le plus raciste des deux….
Et puis, un souvenir me revient.
Je l’ai déjà croisé,ce type là, je passe souvent par la gare.
Il était adossé avec un de ses collègue.
Et lorsque je suis passée avec ma robe rouge et mon crâne rasé, il m’a regardé avec une expression de peur et de rejet évident.
Mais , son collègue, il est blanc, donc… lui ce qu’il n’aime pas.. ce sont les racistes.
Ou plutôt, ceux qu’il juge comme étant potentiellement raciste.
Voilà le piège … dans lequel il est tombé tout droit.
Juger quelqu’un sur des signes extérieurs.
Tandis que moi, même si je suis apparemment civilisée, tout au fonds de moi, persiste la trace de milliers d’années de racisme ordinaire; celui qui résiste au fond de chacun si il est honnête.
Je suis sûre, si on demande à mon ami Jules, le sénégalais, si je suis raciste, ça le ferait bien rigoler.
Et pourtant… il suffit de pas grand chose pour craquer ce vernis.
Ce n’est même pas une question de couleur de peau.
Le « rentre chez toi » je l’ai déjà sorti, dans une autre occasion a quelqu’un que je croyais kosovar…
Après information, il ne l’était qu’à moitié.
Avec une mère suisse… comme moi.
Et la double nationalité… comme moi.
Quand il m’a sorti a carte d’identité, je me suis senti doublement stupide.
Quand on a deux nationalité, être raciste, c’est comme renier une part de soi-même.
Le racisme ça commence déjà à l’intérieur d’un pays.
Les Algé-rois et les Algé-riens.
Les togolais du nord et les togolais du sud.
J’ai beaucoup voyagé, je n’ai jamais rencontré autant de racisme qu’en Afrique.
Alors, on utilise ce qu’on connaît.
Mais moi, qui ai horreur des racistes, je le suis aussi à ma façon.
Je n’en suis pas fière, je suis honnête avec ce que je constate.
Mais encore une fois, ce n’est pas une question de couleur.
Croire que je suis néo-nazie et,ou lesbienne parce que j’ai les cheveux rasés, et me regarder de travers, c’est aussi une forme de racisme.

Il y a une personne que je considère comme mon frère, il s’appelle Abdallah, c^’est un descendant Touareg et sa peau à la couleur des montagnes du Hoggar, quand le soleil s’y couche.
c’est mon frère d’âme, mon frère de coeur, à défaut d’être mon frère de sang.
Il me comprends tellement bien.
Il me dirait sûrement que ce type est un con…
mais les cons ne sont pas une race…
C’est un état qui peut atteindre tout le monde, quelque soit son origine.
finalement, la connerie est universelle…
Donc, on ne peut logiquement pas faire être « raciste » envers les cons.
Par contre, la connerie est contagieuse.
Et ceci explique cela.
Je sais que je ne suis pas vraiment raciste dans un sens.
Je n’ai pas envie de l’être.
Mais c’est pour moi un peu comme la religion.
Quand on viens d’une famille catholique, qu’on a fait son catéchisme.
Même quand on se rends compte en grandissant que tout ça reste un mystère et que personne n’a vraiment la réponse, reste des reflexes.
Des croyances tellement solidement implantées, qu’elles ne disparaîtrons sans doute jamais.
« Rentre chez toi »…
Alors je vais être honnête, quiconque ayant décidé de venir habiter ici, après moi et qui veut m’imposer sa loi m’énerve profondément.
Par contre, et heureusement, il y a aussi beaucoup de gens qui sont venus d’ailleurs pour apporter quelque chose de positif à l’endroit qui les accueille.
Et ses personnes là, ont tout mon respect.