Les trois nuances de pauvreté biennoise

Nous avons une jolie tradition, à Bienne.
Lorsque nous voulons nous débarrasser d’un objet qui peut encore servir, alors, nous le mettons sur le trottoir.
Souvent, on met un petit papier par-dessus, avec le mot « gratis » ou « gratuit ».
Ca débarrasse , évitant de payer une vignette-poubelle, et ça fait la joie de celui qui le trouve.
Alors bien sûr, dans notre belle Suisse propre en ordre, ça fait un peu désordre.
Mais voilà, tout le monde n’a pas les moyens de s’acheter du neuf.
Ni même de s’acheter quoi que ce soit, d’ailleurs.
Avec ce qu’on trouve sur nos trottoirs, on peut meubler et faire fonctionner un appartement.
Je pense à ce fauteuil que j’ai récupéré , il y a quelques années.
Encore joli, pas abîmé.
Je m’y suis assise un nombre incalculable de fois, mes enfants s’y sont blottis pour regarder la télévision et mes chats y ont fait leurs griffes .
Je l’ai repeint.
Au final, il est retrourné sur le trottoir.
Quelques années plus tard, quel ne fut pas ma surprise de le retrouver encore, a l’autre bout de la ville, sur un autre trottoir ?
Ca voulait dire, qu’après sa seconde vie chez moi, il en avait eu une troisième.
Alors voilà ce que j’aimerais dire.
Je suis très étonnée, quand je mets des objets devant chez moi, de ceux qui partent en premier.
Ce ne sont pas forcément les plus beaux ou ceux qui auraient encore un peu de valeur.
Ce sont ceux qui ont plu a quelqu’un qui en avait besoin.
Je crois parfois que je suis pauvre, mais il y a bien plus pauvre que moi.
Bien calfeutré dans leurs jolis appartement, ceux qui pestent contre ce qu’ils appelent « déchets » sur les trottoirs, devraient se retrouver plus démunis, histoire de voir comme un rien peut devenir indispensable quand on est sans le sous.
Pareil pour nos livres, et encore davantage.
Chacun ses gouts.
Le plaisir de lire quelques romans policiers bien ficelés est pour moi bien supérieur à la tentative d’apprécier un grand classique.
Même si, pour moi, les Misérables , reste le chef d’oeuvre absolu, je me délecterai toujours des aventures de l’Inspecteur Pendergast.
Voilà.