Depuis quelques jours, je suis dans un drôle d’état.
Le suicide de Yaël… à fait plus que me marquer.
Au-delà de la perte d’un être exceptionnel,
ça m’a renvoyé à mon propre rapport avec la mort.
Parce que j’ai l’impression que nous avions ça en commun :
la mort ne nous attire pas, mais elle ne nous fait pas peur.
Elle est le vrai repos de la guerrière.
Quand les batailles incessantes m’épuisent, je me surprends à rêver
à la Paix… éternelle.
Quand les souffrances s’accumulent au point d’en être intolérables,
j’ai envie que ça s’arrête pour de bon.
Et, vous savez quoi ? à cet instant déjà, je sens que certain pousseront un soupir… gonflé par ce sujet qui leur semble vain.
Le fameux : mais de quoi tu te plains ?
Celui qui me plonge depuis l’enfance dans un abîme de réflexions.
C’est vrai, quoi ? de quoi je me plains?
J’ai des enfants, une petite fille, du talent….
j’ai…
« *j’ai » n’est pas en cause.
C’est « je suis » qui pose problème.
Je suis ou je ne suis pas d’ailleurs,
ce qui revient au même.
Se sentir différente, pas adaptée, est presque devenu banal, tant internet a propagé le concept.
On s’est rendu compte qu’on était beaucoup à ses sentir pareil.
Handicapés de la vie.
Privés du mode d’emploi et même avec, on y arriverait pas aussi bien que les autres.
Qui ? les gens normaux.
Ceux qui répondent au téléphone sans trembler,
qui ne font pas toute une histoire quand il faut sortir.
Ca commence le matin au réveil.
Avant même d’ouvrir les yeux.
Tout ce qui est facile, automatique , naturel,
prends des airs de supplices chinois.
Parce qu’ils recommencent tout les jours.
Ou presque.
Parfois, c’est la grâce, et ça s’arrête , mais jamais longtemps.
Essayez d’imaginer ça : du jour au lendemain, tout vos gestes,
toutes vos pensées, ne sont plus qu’une succession de difficultés.
A force, on ne s’habitue pas, on ne s’y habituera jamais.
On fait avec.
Voilà.
C’est terriblement injuste.
Au début, je croyais que c’était ma personnalité qui posait problème.
Au fil des ans, j’ai compris que la réponse à mes questions était à la fois plus simple et plus compliquée :
c’est un niveau du métabolisme que ça se passe.
Je vous épargne les détails.
J’imagine bien que le sujet n’est pas très passionnant pour la plupart.
Mais ça a de l’importance pour moi, beaucoup.
C’est toute ma vie qui est faite de ça.
Au point que par période, je ne vis plus, je survis.
J’ai essayé tellement de fois d’en parler, mais la plupart du temps, je me heurte à un mur.
Alors, je fais avec.
Au fil du temps, j’en suis presque fière, d’avoir tenu malgré ça.
Je sais ce que je vaux.
J’ai du courage.
Inutile de m’en souhaiter, j’en ai à revendre.
Mais la souffrance, elle… parlons-en un peu…
La souffrance recouvre le courage d’une masse imperméable.
Elle s’insinue , s’accroche, s’enracine, comme une saleté d’Alien
qu’aucune arme ne saurait vaincre.
Comme un manteau gris, que je ne peux pas jeter,
parce qu’il fait froid et c’est le seul que vous avez j’ai.
Comme une vieille copine qui me fait du tort, mais que je
supporte quand même, parce que je la connais .
L’envie d’en finir ? je pensais l’avoir vaincue.
Elle me traverse.
Rentre et ressort .
Mais voilà, comment dire…
J’ai appris à nager comme ça :
ma soeur à enlevé ses brassières d’un coup, et hop,
la voyant flotter, je l’ai imité.
J’en suis à me demander comment elle à fait, Yaël,
pour réussir son coup.
Pendant ces quelques jours, pourtant,
quelque chose de précieux m’a beaucoup aidé.
Un truc invisible.
Un mélange en fait, ou plutôt une succession :
- compréhension
- Chaleur humaine
- Délicatesse.
- Sympathie
- gentillesse
- sourires
- bonté
- générosité
- amabilité
- sincérité
Plus que d’habitude.
Mieux que d’habitude.
Ca m’a aidée.
Beaucoup.
Sur le moment j’ai pris ce positif inattendu avec joie.
Mais sans me poser trop de questions.
J’ai pris, parce que ça fait du bien.
c’est sur, ça m’a aidé.
Aucune des personnes qui ont été plus gentille avec moi que d’habitude,
ou qui simplement ont fait preuve d’amabilité
ne se doutent
qu’elles m’ont peut-être sauvé la vie.